Les gens quittent Twitter/X parce que c’est devenu un feu de poubelle. Un algo toxique, truqué par son nouveau propriétaire en sa faveur. Des scandales à répétition, des insultes envers les annonceurs, des propos nauséabonds en rafale, du racisme, de l’homophobie, de la transphobie, une modération qui part en quenouille et cerise sur le gâteau, des saluts nazis (ou mussoliniens).
Pas étonnant que les gens partent en nombre. Pour ma part, j’ai dit adieu à mes 96 000 followers il y a presque 18 mois avec soulagement. Depuis, Twitter/X n’a fait que dévisser dans l’estime des gens.
Musk récolte ce qu’il a semé. Soit.
Au delà des provocations de Musk
Mais il y a un contexte moins connu qui touche la plupart des plateformes, c’est la notion de merdification / emmerdification / enshittification théorisée par l’excellent Cory Doctorow et déjà abordée dans ces pages.
La merdification est une dégradation de la qualité qui affecte les plateformes numériques qui opèrent sur un marché biface, par exemple celles qui mobilisent à la fois des utilisateurs et des annonceurs.
Elle opère en 4 étapes :
- les plateformes servent les intérêts de leurs utilisateurs, qui en deviennent dépendants. Elles fournissent un produit ou service utile à perte. Les utilisateurs affluent, recommandent la plateforme, font venir d’autres utilisateurs
- Les plateformes utilisent ces utilisateurs pour servir les intérêts de leurs entreprises clientes, à perte. La plateforme se met à privilégier le coté entreprises de son marché. L’expérience des utilisateurs se dégrade (plus de pub, moins de respect de la vie privée), celle des entreprises s’améliore. D’autres entreprises affluent.
- les plateformes profitent de ces deux catégories de clients, devenus captifs, pour servir leurs propres intérêts : les surplus sont distribués aux actionnaires. Dans cette phase, les entreprises merdifiées n’ont plus aucune raison de proposer un service de bonne qualité : elles sont incontournables autant pour les utilisateurs que les entreprises, avec un coût de sortie élevé pour les deux côtés.
- Les plateformes finissent par mourir quand il les utilisateurs trouvent une alternative à la plateforme et que les entreprises se tournent à leur tour vers d’autres plateformes.
Ce phénomène est un classique des plateformes. Comme tous les modèles, il n’est pas parfait, mais il permet de comprendre plus facilement le cycle de vie des plateformes.
Où en est votre plateforme préférée ?
- Les plateformes les plus anciennes comme MySpace, AOL Messenger, ICQ sont en phase 4, c’est à dire mortes ou zombifiées.
- Amazon est en phase 3 sur le e-Commerce, incontournable pour les utilisateurs comme pour les fournisseurs, mais qui voient leurs marges fondre comme beurre au soleil car ils sont obligés de commander de la publicité pour arriver à vendre. Forcément, ça fait monter les prix et c’est une moins bonne affaire qu’avant pour les individus.
- L’offre vidéo Amazon Prime est pour sa part en phase 2. Les pubs se multiplient, maintenant qu’ils ont réussi à convaincre les individus).
- BlueSky, probable remplacement de Twitter, est en phase 1, encore séduisant, mais pour combien de temps ?
- Mastodon, me demanderez-vous, n’est pas concerné, n’étant pas commercial, sans algorithme de recommandation et sans publicité. Mise à jour : Mastodon n’est pas un réseau social. Tout s’explique !