L’IA peut-elle être une solution face au problème environnemental ?
Telle était la question à laquelle nous avons été invités à participer à creuser samedi dans le cadre de l’événement IAgoraFestival, avec Caroline Jean-Pierre et Nicolas Rochet de Data4Good, ainsi que Renaud Héluin de GreenIT.fr, avec une modération de Thierry Calvat.
Vaste sujet ! S’il fallait résumer la convergence de nos points de vue, on arriverait à ceci :
1️⃣ - “L’IA” represente plusieurs types de technologies. Aujourd’hui, le grand public pense aux LLM tels que popularisés par ChatGPT, mais les outils de big data existent depuis longtemps. Ils ne nécessitent pas tous autant de ressources (machines et énergie), donc il ne faut pas forcément les mettre dans le même sac
2️⃣ - Il y a des usages de ces outils qui sont bénéfiques pour le climat et le respect des limites planétaires. J’ai bien sûr cité en premier ceux utilisés par les scientifiques pour modéliser le système climatique et étudier les possibilités offertes par l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, mais aussi l’étude de la biodiversité, etc.
3️⃣ - Mais il faut bien reconnaître que l’IA dont on parle au quotidien, pose plusieurs problèmes : c’est la plus consommatrice de ressources, c’est celle qui pousse à consommer plus d’énergie, construire plus de datacenters, rend obsolète plus de machines qui finissent à la décharge et sont très mal recyclées. Et là, il est très peu probable que ce soit utilisé pour répondre aux défis climatiques et de la biodiversité : leur usage, c’est d’accélérer un monde extractiviste et générer de la croissance, comme si elle était possible à l’infini dans un monde fini. Mais non, les ressources matérielles et l’énergie sont limités sur la planète Terre !
4️⃣ - Là où se font les investissement de l’IA, c’est principalement chez META (Facebook, Instagram, etc.), chez Microsoft (pour ChatGPT) et Google (pour mettre de l’IA dans son moteur de recherche). Ces milliards d’investissements ne vont pas au CNRS ou a l’INRIA, au GIEC ou à l’IPBES (le GIEC de la biodiversité). Et le passage à l’échelle, qui consiste à fournir des service d’IA générative (type ChatGPT) à plusieurs milliards d’internautes va augmenter de façon dramatique la consommation de ressources.
5️⃣ - Il y a urgence à agir. Pour la France, respecter l’Accord de Paris, c’est diviser par 5 nos émissions, et passer en moyenne de 10 tonnes de CO2e à 2 tonnes. Ça fait 34 ans que le GIEC[1] a sorti son premier rapport, et nos émissions de GES ne font qu’augmenter. On peut toujours croire que l’IA va sortir l’humanité de ce problème, mais aujourd’hui, les investissements vont dans le sens d’une accélération du “business as usual”, pas dans un changement de trajectoire, pourtant bigrement nécessaire.
(Crédit photo : James Martin, que je remercie au passage ! Un grand merci aussi à l’équie d’IAgora, dont Carine Sit, pour leurs effort et leur invitation : l’événement était de grande qualité !)
Note
[1] Et 52 ans que le rapport du Club de Rome, Les limites à la croissance est sorti, me rappele-t-on sur Mastodon.