Vous connaissez le conte pour enfant qui s'appelle la Soupe au caillou ? Il en existe plusieurs versions, dont une qu'il m'arrive de lire à mes enfants le soir en les couchant. C'est une histoire toute simple et extraordinaire à la fois. La version dont je dispose parle d'un loup, mais je viens de trouver une autre version qui met en scène un renard.
Je vais vous raconter l'histoire en question :
Un soir, un renard arrive dans un petit village habité par des animaux. Il porte un sac sur son dos, et frappe à la porte d'une maison habitée par une poule. La poule, craintive, hésite à lui ouvrir la porte. Mais le renard a l'air inoffensif et commence à lui parler de la soupe au caillou, une soupe délicieuse, affirme-t-il. La poule ouvre la porte, et accepte de faire avec le renard une soupe au caillou. On met donc une marmite pleine d'eau à chauffer sur le feu, le renard ouvre son sac, en tire un gros caillou qu'il met dans la marmite. Il explique que la soupe au caillou nécessite d'autres ingrédients. Alors on en parle dans le village. Un lapin apporte quelques carottes dont il n'avait que faire, l'écureuil apporte des navets, le cheval vient avec ses pommes de terre et ainsi de suite pour le mouton, la chèvre, l'âne et tous les animaux, qui apportent ce dont ils disposent. Tous ces légumes finissent dans le chaudron de la poule, avec le caillou.
Bien sûr, une soupe au caillou, ça prend du temps à cuire ! Alors on fait connaissance, on discute entre voisins, on écoute les histoires du renard, qui s'avère être très sympathique. La soupe au caillou est enfin prête, on la partage. Tout le monde a sa part de soupe au caillou qui est d'autant plus délicieuse que l'atmosphère est excellente. On plaisante, on discute, on réfléchit, on partage, on écoute, on palabre, on se demande comment on va bien pouvoir l'améliorer, cette fameuse soupe au caillou.
La nuit est maintenant bien avancée. Tout le village a passé une fabuleuse soirée. Décidément, la poule a eu là une bonne idée en accueillant le renard et son caillou qui permet de faire des soupes aussi bonnes que conviviales.
Le lendemain, le renard rangera son caillou dans son sac et repartira vers de nouvelles aventures, vers de nouvelles soupes au caillou, dans d'autres villages, pour d'autres rencontres, différentes et conviviales à la fois.
Voilà, c'est la fin de l'histoire. Je ne vais pas t'embrasser sur le front, ami lecteur, contrairement à ce que je fais à mes auditeurs habituels, Robin et Philippine.
Mais je vais plutôt faire un parallèle entre cette soupe au caillou et le logiciel Libre (on ne se refait pas), tel qu'on le pratique chez Mozilla.
Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Mozilla Foundation, c'est une vingtaine de personnes seulement. Indispensables, pas pas suffisantes pour autant. Elles sont aidées par des ingénieurs, des développeurs payés à temps plein par un certain nombre d'entités comme IBM, Novell, Sun Microsystems, Google, Red Hat et bien d'autres. Au total, c'est quasiment 100 personnes à temps plein. Mais il ne faut pas oublier les contribution de plusieurs centaines de développeurs à temps partiel, près de 1000 au total en 2004. Et aussi près de 60000 personnes disposant d'un compte Bugzilla et l'utilisant activement. Ou encore plus de 100 000 membres du site de promotion SpreadFirefox.com.
Chacun, attiré par la perspective d'un produit utile à tous, apporte sa modeste contribution, son temps, son savoir faire, son énergie, qu'il soit étudiant, ingénieur ou multi-nationale. Car chacun a quelque chose à gagner : un navigateur moderne, fiable, fonctionnant sur la plate-forme de son choix.
Chacun, comme pour la Soupe au caillou, apporte un tout petit peu et retire beaucoup.
Mozilla, comme la soupe au caillou, est juste une histoire de mutualisation de ce qu'on possède, pour disposer d'un résultat bien supérieur à la somme des parties. Une histoire incroyable, mais qui fonctionne autant dans les contes pour enfant que dans le monde étrange du logiciel, où la duplication à l'infini du produit fini ne coûte rien.