Il existe une autre catégorie de services en ligne qui utilisent un autre business model que l’on appelle le « Freemium », un concept qui combine gratuité (free) et payant haut de gamme (premium). En substance, ces services offrent une version gratuite limitée et une version complète plus sophistiquée mais payante. C’est le cas de nombreux services comme Spotify (musique en ligne), Evernote (prise de notes), RememberTheMilk (liste de choses à faire), Dropbox (stockage en ligne).
Quand on écoute les dirigeants des entreprises offrant ces services, on entend dire que les utilisateurs payants financent le service pour tout le monde. Pourtant, rien n’est vraiment clair sur la sécurité des données fournies à ces sociétés. Pire, on découvre parfois que nos données que l’on croyait protégées sur ces serveurs, sont accidentellement visibles par certains, que les mots de passe de millions d’utilisateurs semblent se retrouver dans la nature (non confirmé). Il arrive aussi qu’un service ferme ses portes faute de rentabilité ou décide de virer un utilisateur, qui perd ainsi toutes ses données et ses contacts.
Certains services Freemium semblent dignes de confiance si l’on en croit leurs Privacy Policies, mais ça n’est jamais simple. Evernote est un bon exemple : ils affirment « vos données n’appartiennent qu’à vous, (et elles) sont protégées”, mais leurs conditions d’utilisation et les multiples documents afférents sont bien trop longs (79 pages A4 !) et complexes pour en être certain.
Payer mais être espionné tout de même !
Prenons un autre exemple, dans une catégorie d’applications très différente, avec les jeux très populaires que sont Candy Crush Saga et Angry Birds (ce dernier a été téléchargé plus d’un milliard de fois !) Ces jeux peuvent être téléchargés gratuitement mais rapportent de très grosses sommes d’argent à leurs concepteurs en permettant aux joueurs d’acheter des niveaux supplémentaires ou des façons de tricher pour accéder au niveau supérieur. À ce titre, ils ont recours au modèle Freemium.
Pourtant, ces revenus énormes ne semblent pas suffire aux dirigeants et actionnaires de ces sociétés, et il semblerait que la NSA et son homologue anglais GCHQ puissent siphonner nos données personnelles depuis ces applications. Rovio, la société qui développe Angry Birds, nie transmettre des données à la NSA et à GCHQ mais reconnait récupérer des données personnelles sur les utilisateurs, dont un identifiant du téléphone (genre de numéro de série), l’âge et le sexe de l’utilisateur ainsi que le lieu où il se trouve. Mais ils collaborent avec des agences publicitaires pour afficher des publicités dans le jeu, et ces agences compilent pour chaque utilisateur des données dont certaines sont franchement dérangeantes, comme par exemple l’origine ethnique, le statut marital (avec des choix comme « célibataire », « fiancé », « marié », « divorcé » et, pour faire bonne mesure, « partenaires multiples ») et son orientation sexuelle avec des choix comme « hétéro», « homo », « bisexuel », et « incertain ». Rappelons que ces jeux sont très souvent utilisés par des enfants…
Comme nous l’avons vu au chapitre 14, le fait que nous n’avons aucun contrôle sur les logiciels propriétaires que nous utilisons et encore moins sur les serveurs distants des services que nous utilisons nous empêche de savoir la vérité sur ces questions essentielles : sommes-nous observés ? Quelles données sont collectées ? Combien de temps sont-elles gardées ? Comment sont-elles agrégées pour nous profiler ? Que faire si ces profils ont un impact sur notre vie ? Que faire si en plus ces profils sont inexacts ?
Certains services en ligne sont innovants et très utiles. Certains sont au contraire de véritables sangsues à données. Le problème est qu’il est difficile de faire la différence entre les deux. Une chose est sûre : tout service affichant de la publicité est hautement suspect car il a tout intérêt financièrement à profiler les utilisateurs de façon à vendre aux annonceurs une publicité ciblée donc plus lucrative.
11 réactions
1 De Guillaume - 02/02/2015, 14:24
Je ne suis pas sûr que le terme "race" passe très bien dans un texte en français (même si ça se dit aux Etats-Unis).
Peut-être parler d'origine ethnique ?
Ou préciser que c'est le terme utilisé par les agences et le mettre entre guillemets ?
2 De Bonome - 02/02/2015, 14:54
J'aime bien la coquille sur le statut marital "financé"
3 De 4rt1st - 02/02/2015, 20:23
Une petite répétition au début du 2e paragraphe:
...Pourtant, rien N'EST n’est vraiment...
4 De teff - 03/02/2015, 08:32
"« financé » , " : celui-là m'a bien fait rire
(il y a aussi une typo : espace en trop entre les guillemets fermants et la virgule)
5 De Panpinou - 03/02/2015, 14:07
« ... le fait que nous n’avons aucun contrôle ... » le fait que nous n'ayons aucun contrôle.
Chapitre très intéressant, travaillant moi-même dans une socitété développant ce genre de service :).
6 De 57Ombre101 - 03/02/2015, 18:02
Le modèle économique du freemium est souvent bénéficiaire pour ceux qui veulent utiliser gratuitement l'application, et l'entreprise. Sur des jeux, comme Rift ou World Of Warcraft (sur PC), y a-t-il beaucoup d'espionnage ?
7 De s_colson - 03/02/2015, 21:44
Le statut marital "financé" m'a bien fait rire ☺
Sinon je trouve qu'il serait bon dans ce chapitre de donner un exemple concret de condition d'utilisation abusif et bien masqué en petits caractères qui autorise effectivement une société éditrice à utiliser nos données
8 De ML - 03/02/2015, 21:50
marital status (single, engaged, married, divorced, “swinger”)
Dans ce contexte, il ne faut pas traduire "swinger" par échangiste.
Un "swing", c'est une balançoire, donc un "swinger" c'est quelqu'un qui "balance" entre plusieurs histoires amoureuses, en parrallèle.
9 De Balivo - 06/02/2015, 10:32
J'ai dévoré tous les chapitres et j'attends avec impatience la suite et le livre.
Je suis administrateur Système et réseau depuis longtemps et j’ai vu les évolutions de l’informatique depuis 25 ans et cet ouvrage explique très clairement et très simplement les dangers du tout numérique. C'est très bien écrit et à la portée de tout le monde j'ai donc envoyé le lien à pas mal de mes amis perso et j'ai appris qlq petites choses.
Depuis bien longtemps j’essaie d’expliquer aux utilisateurs, aux dirigeant les tenants et aboutissants de la nébuleuse informatique et avec le cloud, les dataCenter, les réseaux Sociaux, les moteurs de recherches, la Voip, nous utilisons tous des outils sans jamais trop savoir comment tout cela fonctionne
Je pense donc que réellement c'est une lecture indispensable pour tout utilisateur d'outil numérique.
Merci et vivement la suite
PB
10 De NicolasWeb - 08/02/2015, 20:17
Concernant le modèle gratuit et Freemium, il serait intéressant d'aller un peu plus loin que la conclusion actuelle.
Je voudrais bien voir exposé dans le livre le cercle vicieux dont nous, utilisateurs, sommes responsables. Je le trouve très bien exposé dans cette conférence de Laurent Chemla : La réduction, la centralisation et la privatisation d'Internet (ou au moins du www).
http://www.april.org/la-reappropria...
"Ça pose un autre problème, cette histoire de modèle économique sur Internet, le fait d'échanger la gratuité contre des données personnelles et donc contre de la publicité, c'est quoi ? C'est que les régies publicitaires, elles, vont plutôt avoir tendance à mettre leurs annonces et leurs offres sur les plus gros sites, ceux qui ont le plus de public, bien sûr. C'est toujours plus intéressant de balancer sa pub sur un site qui a un très fort taux d'audience. Seulement, à ce moment-là, quand vous faites ça, vous renforcez le plus gros des sites, et donc, vous renforcez la centralisation sur Internet. C'est-à-dire que Google n'était pas énorme au début, mais petit à petit, comme il était le plus important des moteurs de recherche, toute la pub s'est faite dessus, et du coup, Google gagne beaucoup d'argent, peut racheter tous ses concurrents." (Licence CC-BY-SA)
11 De ran - 16/02/2015, 16:49
Pour ce qui concerne les conditions d’utilisation des services en ligne, voir Terms of Service; Did't Read) et TOSBack qui permettent à l'utilisateur de respectivement décrypter et de suivre les changements qui y sont apportés.