Je suis un grand fan d'Internet depuis toujours, mais deux choses me préoccupent au plus haut point en ce moment :
- La surveillance de masse des utilisateurs, récemment remise au devant de la scène par les révélations d'Edward Snowden ;
- La centralisation des données et des applications des utilisateurs dans des silos propriétaires, dont les moteurs de recherche, les réseaux sociaux et autres, dont le modèle commercial consiste principalement à collecter des données personnelles et à pister les utilisateurs pour connaître leurs intérêts et habitudes afin de monétiser tout cela auprès d'annonceurs, souvent via la publicité ciblée.
Il se trouve que les deux sujets sont étroitement liés : ceux qui espionnent les utilisateurs sont friands des données accumulées par les grands silos.
C'est un problème pour deux raisons :
- La surveillance de masse est incompatible avec la liberté d'expression et les libertés qui en découlent
- La concentration des services leur donne un pouvoir inégalé sur les autres services plus petits et plus innovants, ce qui bride à terme l'innovation.
Dans une récente présentation avec Reporters Sans Frontières et le projet TOR, j'expliquais (en français, ne vous laissez pas impressionner par les 30 premières secondes en anglais) en quoi la centralisation et la surveillance de masse étaient les problèmes les plus préoccupants du Net actuellement. Pour faire simple, l'avenir d'un Internet Libre passe par de la cryptographie, un nouveau business model qui remplace la publicité ciblée et la décentralisation des services Internet.
Dans la pure tradition Mozilla, je ne me contente pas de le pointer du doigt, ce qui est déjà un bon début, mais j'essaye de voir comment on pourrait le résoudre. C'est pourquoi j'organise une rencontre régulière au bureau de Mozilla Paris sur le thème de la décentralisation d'Internet.
La première instance de cet événement récurrent se tiendra le 30 juillet 2014 chez Mozilla Paris et sera au format Hackathon (peu de blabla, beaucoup de rencontres et de code !)
Son objectif est de commencer à recenser les bonne volontés et projets qui œuvrent dans pour la décentralisation d'Internet, puis de commencer à bidouiller ensemble pour faire progresser ces projets.
Quelques ressources pour aller plus loin :
- Annonce sur la mailing list decentralization organisée par l'infatigable Tarek Ziadé ;
- Création de la mailing list decentralization par le même Tarek ;
- Etherpad avec le programme (ajoutez vos contributions !)
- D'autres initiatives connexes : Indie Tech Summit (qui a eu lieu la semaine dernière)
- IndieWebCamp "a people-focused alternative to the corporate Web".
Inscrivez-vous pour participer à ce premier meet-up !
9 réactions
1 De Da Scritch - 09/07/2014, 17:36
On est 100% d'accord. Il y a quelque chose à faire, et Internet est trop centralisé.
Ton initiative aussi du coup, car ce n'est que sur Paris :/
On monte un truc en région ?
2 De Llu - 09/07/2014, 17:53
C'est ouvert aux petits débutants ? (Parce que je lis code, donc je me demande si je vais vraiment être utile ! :-/)
3 De Alexandre MODESTO - 09/07/2014, 21:29
Et la décentralisation physique des infrastructures ?
Une infrastructure logique comme TOR.. Qui passe via des transitaire, des opérateurs "mondiaux"..
Facile d'écouter..
4 De Saint Aubinais - 10/07/2014, 17:15
Tristan : Il serait bien qu'en parlant de décentralisation d'Internet, on s'intéresse à la notion de peering pour que les données franco-FR ne sortent pas du pays.
Quand tu es chez Orange à Courseulles-sur-mer (par exemple) et que tu veux joindre un gentil hébergeur français (à Lyon par exemple), tu dois faire un détour par Londres ou Francfort... Est ce normal ? Non, c'est la logique Orange qui veut échanger du trafic en payant avec des gros acteurs. Sauf qu'en pensant par Francfort, sur le Decix, on passe par les yeux des services Allemands.
Si le pays voulait se protéger des grandes oreilles, il commencerait par contraindre les principaux FAI dominants servant au moins 100 000 abonnés à conserver localement le trafic franco-FR en ne refusant pas aux petits acteurs établis en France "le droit à l'interconnexion" pour joindre leurs abonnés. Ainsi, on ne sera pas obligé d'aller filer du trafic aux services étrangers.
On pourrait aller plus loin et parler de la décentralisation des initiatives. Mais voyons, que vont répondre nos élites ? "On ne va pas à la campagne pour créer des startups" : http://petitlien.fr/7cuj
Parler de décentralisation dans un pays qui ne jure que par la centralisation parisienne et donc la pensée jacobine... bon courage.
5 De Dominique De Vito - 10/07/2014, 17:49
A noter aussi : Louis Pouzin, pionner d'Internet, veut proposer une nouvelle architecture pour Internet, une architecture à bulles.
http://place-publique.fr/Louis-Pouz...
http://www.inria.fr/actualite/actua... :
""
Comment voyez-vous l’évolution d’Internet ?
Le socle technique de base d’Internet, TCP/IP, doit être refait pour être en mesure de gérer de façon efficace des connections de plus en plus nombreuses, d’assurer la sécurité des échanges et de mieux intégrer la mobilité. Certains prototypes existent — un protocole alternatif est développé par l’université de Boston par exemple — mais le milieu Internet maintient le statu quo. La révolution qui introduira un Internet moins centralisé et un contrôle technique plus approprié se fera, une fois de plus, par une nouvelle génération d’ingénieurs et un changement de paradigme économique. Il faudra bien encore 10 à 15 ans pour éliminer progressivement le système actuel.
""
6 De JFC - 10/07/2014, 20:27
Ben moi j'essaie de sortir du nuage. J'ai monté un serveur perso, migré mes emails, mon calendrier, mon carnet d'adresse. Je chiffre. Ca marche nickel avec Thunderbird.
Puis j'ai acheté un téléphone Firefox OS... #Fail ... à cause de https://bugzilla.mozilla.org/show_b...
Dis Mr FirefoxOS, c'est quand que tu veux bien supporter les certificats auto-signés?
7 De François - 11/07/2014, 13:50
Parler de décentralisation et démarrer une liste sur les serveur de google, je trouve ça dommage...
8 De Julien - 11/07/2014, 16:33
" pister les utilisateurs pour connaître leurs intérêts et habitudes" Ca c'etait *avant*. Facebook a montré que plutot que d'essayer de connaitre les utilisateurs et leurs habitude il était sans doute bien plus simple/efficace de façonner les interets et les habitudes des utilisateurs (sans trop leur dire d'ailleurs!).
Je serais la le 30!
9 De nicoo - 14/07/2014, 19:36
On ne dit pas « TOR » mais « Tor » :þ
Sinon, billet très intéressant, comme toujours
Mr N°3: Tor utilise Internet, qui est effectivement « relativement facile » à écouter.
L'idée du routage en oignon est que ton trafic est transféré par 3 relais, et donc il faudrait que l'entrée et la sortie soit écoutés par les mêmes personnes pour qu'on puisse te dé-anonymiser (et ça reste non-trivial).
En pratique, les leaks Snowden laissent penser que Tor fait prodigieusement chier la NSA ; aussi, c'est forcément mieux que rien, vu que la NSA cherche à écouter tout le monde, tout le temps