Je prépare pour les JDLL (à Lyon les 16 et 17 octobre prochains) une conférence sur la Hackabilité (en français, ça donnerait "bidouillabilité"[1]). Voici le sujet de la conférence, avec Paul Rouget aux (superbes) démos :
Firefox est un logiciel libre conçu dans un esprit d'ouverture. Firefox est "hackable", le code est ouvert et extensible. Cette conférence répondra à ces trois questions: Qu'est-ce que la "hackabilité" ? Pourquoi est-ce important ? Jusqu'où peut-on "hacker" Firefox ?
Atelier de bidouillage de jouets réformés en vue de les transformer en instrument de musique
Voici quelques liens d'actualité sur ce sujet :
- Pour un Web libre, le projet Drumbeat et un exposé à lire ;
- Wrong Way, Skype. Skype ferme ses APIs. Michael Arrington souligne quec'est exactement le contraire de ce qu'il faudrait faire. Sa conclusion : "Instead of killing your limited APIs and tools, you should be expanding them dramatically." ;
- The Evolution of Apple Ads, une compilation des pubs Apple depuis les années 70. Outre les souvenirs que ça me rappelle (non, je ne parle pas que des sous-pulls à col roulé en matière synthétique), on notera le chemin parcouru par Apple dans la mauvaise direction, celle qui tourne le dos à la "Bidouillabilité" (hackability). A l'époque de l'Apple II, la machine s'ouvrait très facilement, elle contenait 7 slots pour des extensions (qu'on pouvait fabriquer soi-même), on pouvait accéder à tout le système en assembleur et avec le manuel, on trouvait même le schéma électronique de la carte mère. 30 ans plus tard, quiconque veut faire une application (même gratuite) pour l'iPhone doit payer Apple à cet effet et prier pour que son application ne soit pas rejetée par la firme à la pomme. Qu'a-t-on fait pour mériter cela ? (via JB Soufron) ;
- Right-to-repair bill shifts control from dealer to owner, un article qui explique l'intérêt de la loi "Right to repair", qui permet la libération des informations pour le paramétrage des ordinateurs de bord des voitures. En effet, avec l'utilisation croissante de l'électronique et de l'informatique à bord de voitures (en particulier pour la gestion de l'injection et les diagnostics), les constructeurs ont fabriqué des systèmes propriétaires qui obligent les clients à venir chez eux en cas de souci plutôt que chez un garagiste indépendant. Cette loi – qui rentrera bientôt en vigueur au Massachusetts – forcera les constructeurs à communiquer ces informations au public, ce qui permettra de choisir chez quel garagiste on va faire réparer son véhicule, mais pas nécessairement un qui dépend de la marque, souvent plus cher...
- Google annonce la libération des données des utilisateurs, via la campagne DataLiberation.org.
- Dion Almaer propose un excellent billet : Data Liberation is great, but how about owning it?. Il pose la question qui fâche : "c'est bien (très bien, même) de pouvoir sortir mes données de chez Google, mais qu'en est-il des données collectées à mon sujet ?" ;
- Atul Varma pose la question dans l'autre sens : Liberating Your Data From Other People.
- Sur le Wiki de FrenchMozilla, voici un embryon de Manifeste pour un Web plastique (j'aurais dit "malléable" plutôt que "plastique" (qui est pourtant fantastique, comme vous le savez, alors que le caoutchouc est pour sa part super doux )[2] ;
Quelques liens complémentaires :
- Keeping The Web Open and generative, une présentation en 5 minutes lors de Lift France ;
- Talk about the Open Web in Utrecht (format PDF, 2,9Mo) lors de MozCamp Utrecht.
Et toi, cher lecteur, quels arguments voudrais-tu avancer en faveur de la "bidouillabilité" ? Pourquoi est-il important que les outils/objets que l'on utilise soient bidouillables / malléables / ouvrables / transformables ? Tes idées sont les bienvenues dans les commentaires...
Notes
[1] On notera que j'utilise ici le terme hack au sens initial du Jargon File, à savoir "démonstration d'ingéniosité", voire "détournement d'un outil au profit d'un usage non prévu par le concepteur", contrairement au sens maintenant commun de "piratage".
[2] On me pardonnera cette référence glissante au groupe de musique Elmer Food Beat.
16 réactions
1 De Daniel Glazman - 16/09/2009, 18:09
COUROUCOUCOU ROPLOPLO !!!!-)
2 De RilaX - 16/09/2009, 19:12
La bidouillabillité est importante pour pouvoir adapter à son utilisation très personnelle des choses conçues pour le plus grand nombre.
Comme tout le monde, chacun est différent des autres.
Et c'est en ca que le logiciel libre, et par extension la philosophie du libre est si important selon moi.
3 De JN - 16/09/2009, 21:31
Elmer Food Beat comme référence : c'est la marque d'identification des trentenaires...
4 De Harry - 16/09/2009, 22:11
Tout à fait d'accord avec Rilax.
Chacun a sa propre utilisation des logiciels qu'il utilise.
Je vais prendre un exemple très parlant: moi.
J'utilise firefox depuis des années.
Ma machine principale est une vieille brouette avec très peu de ram (256). Pour réussir à surfer sur internet de manière "fluide", j'ai dû utiliser un RAMdisc et y mettre firefox (au début, je n'y mettais que le cache du navigateur mais par la suite, je me suis rendu compte des performances de FF quand il y était en entier).
Puis j'ai commencé à me rendre compte que le dossier firefox était "lourd": HOP, à la moulinette de UPX ! Une fois le xul.dll et toute les autres librairies&exécutables réduits de 50% de taille, je me suis rendu compte que c'était les .jar qui n'étaient pas assez réduits... J'ai fini par désactiver le cache mémoire, par coder un medium pour que le cache se vide toute les X secondes... Etc jusqu'à ce que Firefox et son dossier profile fassent moins de 30Mo après 2 mois d'utilisation (cache non compris).
Puis au tour des javascripts pour changer l'apparence à MON goût (et pas celui de designers "high-tech" ou de "kikoolol") qui prône l'efficacité et le productivité etc, etc etc...
Bref, l'Hackabilité est primordiale quand on a simplement le désir de contrôler se qui se passe dans sa machine plutôt que de se faire contrôler par celle-ci un peu comme les madame Michu.
Adepte de micro-application qui ne font que ce qu'on leur demande et grand allergique aux usines-à-gaz-tout-en-un.
Harry.
5 De ReLuc - 16/09/2009, 23:06
Même si la bidouillabilité fait un peu geek, c'est le moyen de personnalisé à son envi et ses humeurs un outil ou quelque chose.
Par exemple les coques des Nokia 8210 étaient inter-changeable, c'est pas grand chose mais grâce à ça j'avais un téléphone qui ne ressemblais pas autres.
On pourrait citer aussi les Lego car c'est pas parce que l'on achète une boîte que l'on est obligé de faire ce qu'il y a sur la boîte, enfin si ça n'a pas changé.
Enfin il parait que Firefox est très apprécié de ses utilisateurs car il est personnalisable à volonter du look (personnas) aux fonctionnalités (extensions).
En fait la bidouillabilité rend les choses particulièrement stimulante pour l'imagination!
6 De bertrand - 16/09/2009, 23:29
La bidouillabilité est essentielle pour l'évolution.
Chacun peut mettre en pratique ses idées, mauvaises pour la plupart, mais de temps en temps cela permet à une bonne idée d'éclore. Une idée que l'auteur initial de l'outil n'aurait probablement jamais eu. Qui ne serait jamais venu à l'utilisateur, s'il n'avait pas disposé de l'outil.
Le web est devenu ce qu'il est parce que chacun a pu s'approprier l'outil et en faire ce qu'il voulait et pas l'utiliser uniquement en respectant un code de la route quelconque.
Un web non bidouillable n'aurait pas dépassé ce que le téléphone est resté pendant un siècle. Un outil avec une seule fonction, une seule utilisation possible. En 1970, il était interdit d'y brancher quoi que ce soit d'autre que le machin gris moche fournit par les PTT. Dans ces conditions, on ne risquait pas d'imaginer autre chose qu'écouter belle-maman.
7 De EmmanuelC - 17/09/2009, 00:54
La bidouillabilité renvoie à l'enfance et au jeu. Elle permet de se reconnecter avec l'enfant qui bricole, invente, expérimente, détourne avec toute la fraîcheur de l'âge. C'est une fonction essentielle.
Karl en parle en quelque sorte dans son billet "réparer" http://la-grange.net/2009/07/04/rep...
Essayer d'empêcher un enfant de "bidouiller" ses Legos et l'obliger à réaliser uniquement le modèle présenté sur la boite, il ne tiendra pas longtemps !
8 De Thierry - 17/09/2009, 02:00
A propos de bidouillabilité, du c'était mieux "à vent" et plus particulièrement du cas d'Apple:
Je pense que si les appareils d'il y a quelques décennies étaient beaucoup plus ouverts, c'était surtout parce que les spécifications de la machine devait tenir sur une feuille de papier toilette. Aujourd'hui, rien que la carte graphique, ça doit prendre plusieurs centaines de pages, et des connaissances relativement pointues, que pas grand monde ne doit détenir, sans parler des normes à respecter pour garantir un minimum que ton produit ne va pas péter à la gueule du premier venu.
Alors pourquoi dépenser une somme monstrueuse à maintenir toute cette doc, qui ne servira sans doute à personne sauf peut-être aux concurrents ?
Quand je fais une application, je tiens à avoir un minimum d'abstraction avec le matériel, car si je dois me prendre la tête avec des détails qui ne sont pas reliés avec ce quelle est sensée faire, d'autres aspects vont en souffrir. Si on devait encore manipuler le fer à souder, on aurait pas fini de se farcir des interfaces à vomir, des design à chier, une ergonomie merdicimale, réservé à une minorité élitiste.
Quand tu dis "la mauvaise direction" ? Pour qui exactement ? Pour l'utilisateur lambda qui s'en coutrefou de l'informatique ? Surement pas, bien au contraire. Pour les bidouilleurs, certainement, mais d'un autre coté, même en les sortants de mon luc, je ne suis pas sûr que les chiffres soient en faveur des bidouilleurs en matière de ventes possibles.
Ce qui m'amène à l'AppStore, même si c'est loin d'expliquer le processus souvent arbitraire pour faire accepter une application, on peut tout de même le comprendre. Je pense ce qui effraie le plus Apple est que sa plateforme devienne le même "foutoir" que Windows: le pire côtoie le meilleur, avec toujours un virus/trojan/spyware qui risque de te pourrir la vie au moindre coin du web. D'autant que la frontière entre application mal torchée et programme intentionnellement malveillant n'est pas aussi nette qu'on pourrait le croire. Or c'est exactement ce qui risque de se passer, si la plateforme devient populaire et que tu débrides le marché complètement. Alors avoir un site de "confiance" qui permet de faire un minimum de tri, ça peut ne pas être du luxe pour une partie non négligeable de la population.
D'où la question qui fait mal: lorsqu'on a une plateforme populaire, faut-il laisser les portes ouvertes à tout le monde, pour satisfaire l'égo de ce qui est certainement une minorité et au risque d'inviter les fouteurs de merde qui vont pourrir la vie de ta majorité. Ou on verrouille un minimum histoire de garantir une expérience un tant soit peu plaisante à ce qui est ton cœur de cible ?
Ha, ha, un des meilleurs exemples qui me viens en plus, c'est de Firefox : lorsque FF a forcé un usage strict des certificats SSL (notamment refus des certificats auto-signés), un paquet de geek sont venus pleurnicher, comme quoi c'était mal foutu, gna gna gna, cryptage sans authentification c'est mieux que rien, etc ... Entre satisfaire l'égo de quelques geeks, au risque de légitimer les sites de phishing, ou garantir un minimum la sécurité des utilisateurs lambda, au risque d'envoyer chier les quelques geeks qui se croient persécutés par les chinois du FBI. Tu me diras que ce n'est pas tout à fait la même chose, moi je te dis que c'est pousser ce concept jusqu'au bout.
9 De JM - 17/09/2009, 10:40
C'est bien gentil de pouvoir récupérer ses données de chez Google, mais si Google s'est déjà octroyé une licence d'utilisation de vos données perpétuelle et gratuite, comme l'indiquent souvent (toujours ?) les licences de leurs produits, le mal est déjà fait… Certes on est toujours propriétaire de nos données, mais Google en devient un distributeur sans contrepartie. Surtout que rien ne dit qu'ils ne gardent pas trace de vos documents après simulacre d'effacement. Et de toute façon qui aurait la capacité et l'autorisation d'aller le vérifier dans leurs centres de données ?
Non, je pense définitivement que le cloud computing sur Internet est un leurre, sans parler des problèmes de sécurité informatique (attaquer un seul data center qui range méthodiquement toutes les informations sur ses clients, c'est certainement plus rentable que d'attaquer 10 millions de PC - cf. le pirate qui a dérobé 140 millions de cartes bancaires récemment). À mon avis il vaut mieux diffuser le logiciel libre chez monsieur tout le monde afin qu'on ait tous accès à des outils interopérables où qu'on soit et sans coût caché. Après nos données on peut les avoir en voyage chiffrées sur clef USB ou sur une zone FTP personnelle, l'essentiel est qu'elles soient en notre seule possession.
10 De Hubert Guillaud - 17/09/2009, 12:17
http://www.clochix.net/post/2009/09...
http://www.internetactu.net/2009/04...
http://www.internetactu.net/2009/05...
11 De joey - 17/09/2009, 13:17
Si pour un coup tu essayais de voir du positif chez Apple au lieu de basher une fois de plus ?
Coup sur coup il y a eu l'ouverture du code de Grand Central Dispatch et l'implémentation de canvas 3D/WebGL dans WebKit. Ca mérite autant d'en parler que des DRM du casque de l'iPod, non ?
Parce qu'après tout, on peut aussi faire de la WebApp gratuitement pour l'iPhone quand on n'a pas envie de passer par Apple. Bien sûr on ne bénéfice pas de toutes les API et de l'exposition du store, mais il faudrait savoir : l'avenir c'est les WebApps ou non ?
Parce que c'est comme ça qu'Apple envisageait le développement pour l'iPhone, à l'origine. Et on ne peut pas dire qu'ils ne s'activent pas pour donner aux développeurs des technologies à la pointe pour en faire des webapps évoluées, qu'ils n'implémentent pas correctement les standards, qu'ils n'innovent pas et ne proposent pas la standardisation de tout ce qu'ils mettent en place.
Même tes points négatifs sur le hard Apple ne me semblent pas justifiés : il est très facile d'accéder à la ram et au HD des macbooks. L'iMac n'est pas facile à faire évoluer mais c'est un portable au format desktop, alors forcément...
Mais si tu veux une machine vraiment évolutive, le Mac Pro est là pour ça, et l'accès aux slots est vraiment simplifié au maximum.
Quant au tarif de $99 pour avoir le droit de développer avec les API natives de l'iPhone, il faut rappeler que ça permet aussi d'accéder à l'exposition de l'iTunes Store (et de payer les vilains validateurs qui doivent se bouffer un maximum de tests d'applis ultra bugguées et mal optimisées, mais bon ça on n'en parle pas).
Si on regarde les revenus des développeurs pour l'iPhone et pour Androïd, pour le moment il n'y a pas photo. Ou même l'avant et l'après ITS : avant presque personne n'installait d'applis, et encore moins payantes sur son téléphone.
12 De Christophe - 17/09/2009, 20:51
Je suis tout à fait en accord avec bertrand (commentaire 6) lors qu'il dit que c'est bon pour l'évolution; mais je prends ce mot au sens d'une évolution darwiniste et je fais le parallèle dans un billet sur mon blog :
http://catarina.free.fr/index.php?p...
13 De Grégoire Lannoy - 18/09/2009, 00:13
La bidouillabilité c'est écologique, ça permet de ne pas jeter ce qui est vieux. C'est de la revalorisation. Parce que Firefox avance vite, mais le Web encore plus.
14 De Kévin Hinault - 18/09/2009, 11:12
La bidouillabilité est le pendant des curieux, la curiosité est l'un des propres de l'humanité et c'est cette curiosité intellectuelle, scientifique, ludique qui amène les innovations. il est suicidaire de laisser des sociétés s'accaparer le droit à l'innovation.
Parce qu'il est statistiquement impossible qu'elles soient les seules capables d'innover et qu'elle ne devrait pas pouvoir monopoliser la création.
J'entends souvent "Oui mais je veux protéger ce que j'ai créé".
On défini souvent très mal le fonctionnement de la création : La création pure n'existe pas. La création n'est qu'une synergie des connaissances, une idée vient d'un amalgame de connaissances, un produit est crée a partir d'autres produits, un logiciel à partir de nombreux autres. Une réalisation est enchevêtrées par d'autres et sera elle même réutilisées plus tard, si l'objet ou l'idée est terminée d'un point de vue personnel, il n'est pas une finalité pour l'humanité.
Si les grandes avancées scientifiques et technologiques - qui sont toujours des bases - avaient été verrouillés par Archimède, Galilée, Newton, Gutenberg..., alors nous serions encore aujourd'hui dans un obscurantisme moyen-ageux.
Peut-être suis-je irréaliste, mais a mon humble avis, la connaissance collective est plus importante que la connaissance individuelle.
15 De Hybrid Son Of Oxayotl - 18/09/2009, 20:01
Ça me fait marrer, les gens qui viennent nous défendre Apple ici.
Et quand Apple rajoute une authentification cryptographique dans DAAP, en rompant ainsi la compatibilité avec les anciennes versions d'iTunes, tout ça juste pour le plaisir mesquin de pouvoir envoyer chier les lecteurs audio libre qui utilisaient aussi ce protocole, c'est pour le bien du peuple, aussi ?
Ça relève juste d'une obsession du contrôle malsain qui les place dans la position inverse à celles qu'ils essayaient de se donner dans leur but 1984…
16 De joey - 19/09/2009, 17:21
Hybrid Son Of Oxayotl > l'encryption a été mise en place car d'autres clients permettaient la sauvegarde de MP3 ce qui forcément ne convenait pas aux partenaires d'Apple - et ni à Apple, probablement. En gros, la fonction initiale a été détournée, donc son utilisation a été encadrée.
Tu peux te plaindre, mais dans ce cas tu devrais aussi demander à Deezer de mettre des liens pour télécharger les MP3, c'est à peu près du même niveau. D'aileurs Deezer aussi ne télécharge plus des MP3 complets récupérables dans le cache, à la demande des majors.