Alors que j'étais en vacances, une histoire intéressante s'est déroulée à propos d'Amazon (le leader américain de la vente en ligne) à propos de son e-Book Kindle (en photo ci-dessous). L'affaire date un peu, mais elle mérite que je revienne dessus, même avec du retard...
Les utilisateurs du Kindle ayant acheté 1984 ou La Ferme des animaux de George Orwell pour le lire sur leur Kindle ont eu la très désagréable surprise de voir ces romans disparaître de leurs Kindle un beau matin. En effet, les Kindle sont reliés au QG d'Amazon par technologie sans-fil et la firme a ordonné la suppression de ces titres lorsqu'elle a réalisé que la personne ayant autorisé Amazon a distribuer des versions électroniques des livres ne représentait en fait pas les ayant-droits. Les clients ont été remboursés, mais ceux qui avaient pris des notes virtuelles sur les livres ont vu leur travail effacé définitivement.
L'affaire a fait les choux-gras de la presse en ligne, à juste titre : qu'on puisse supprimer à distance des livres électroniques est particulièrement préoccupant en terme de liberté de parole et de pensée.
On notera le travail très efficace de la Free Software Foundation, qui a demandé aux personnes participant à la lutte contre les DRM de mettre une mauvaise note au Kindle sur le site Amazon.com. Du coup, Jeff Bezos (PDG et fondateur d'Amazon) finira par présenter ses excuses (ce qui ne change rien au problème de fond des DRM).
Je pense qu'il est essentiel qu'on ait ce genre de débats alors qu'on est en train d'inventer le monde de demain. Veut-on laisser une société (éventuellement sur décision de justice ou intervention de l'état) supprimer à distance une oeuvre qu'on a acheté ? Imaginez-vous Hachette qui irait faire disparaître des livres des rayons de nos bibliothèques ? Ce genre de débat est essentiel aujourd'hui, y compris en France, alors qu'on met en place des lois du genre d'Hadopi 2...
Quelques liens :
- The Guardian : Amazon Kindle users surprised by 'Big Brother' move ;
- Pogue : Some E-Books Are More Equal Than Others ;
- DefectiveByDesign : La Free Software Foundation demande de mettre une mauvaise note au Kindle sur le site d'Amazon
- Slate : Why 2024 Will Be Like Nineteen Eighty-Four ;
- ZDNet : Kindle : Amazon efface plusieurs livres téléchargés légalement par ses clients ;
- FSF : Jeff Bezos (PDG et fondateur d'Amazon) présente ses excuses ;
- New York Times : Amazon Faces a Fight Over Its E-Books ;
18 réactions
1 De Dalai-Lama - 27/07/2009, 19:09
Le premier autodafé virtuel, ça en est presque beau :'(
2 De Laurent - 27/07/2009, 20:01
Comment ça se serait passé avec un vrai objet ? Si on remarque que le vendeur a en réalité vendu quelque chose qu'il ne possédait pas, est-ce que l'acheteur peut conserver l'objet ? (avis à qui connaît du droit)
Sur un plan technique, par contre, il faut bien évidement rajouter cette affaire à la très longue liste des cas où des personnes ont perdu des données pour cause de DRM après un changement de politique du vendeur.
Après ça, sans même les lire, je suis certain que les conditions d'utilisation de Kindle précisaient que ce genre de mésaventures étaient parfaitement possibles. Il faut quand même se rendre compte que les "victimes" ont *choisit* d'acheter une version DRM d'une oeuvre qu'ils pouvaient acheter en papier pour 3 euros dans n'importe quel magasind de seconde main. J'ai quand même tendance à dire que c'est bien fait pour eux. Si ils en étaient morts, j'aurai donné un Darwin Award.
3 De Vladimir Vodarevski - 27/07/2009, 20:56
Je réécris le commentaire car il y a eu un problème au moment de l'envoie.
Cette affaire est d'autant plus grave qu'Amazon a agit en dehors de toute loi, de toute décision de justice. Ce n'est plus un débat sur la gratuité, les DRM, ni même les droits d'auteur. C'est une grosse compagnie qui contrôle une bibliothèque qui est privée, même si elle est numérique.
Que cela se produise avec 1984 est-il ironique ou prémonitoire?
4 De Jarno - 27/07/2009, 22:37
Il ne faut surtout pas laisser passer cela sous silence, sinon ça va établir une espèce de jurisprudence : "les gens s'en fichent, donc ne nous privons pas !"
Parce que c'est un premier pas vers un Fahrenheit 451 numérique.
Allez, petite prédiction : le prochain débordement sera l'effacement automatique de tout livre électronique critique à l'encontre de la religion dans certains états du Moyen-Orient, ou de tout livre critique vis-à-vis du communisme à l'entrée de la Chine. Ce serait logique : ils vont pas prendre le risque de laisser entrer des écrits subversifs sur leur territoire après tout !
Et puis ensuite un amendement à la LOPPSI pour effacer tout livre "inapproprié" à l'entrée des frontières françaises : écrits subversifs de Cohn-Bendit, livres anti-sarkozystes, etc...
Encore une belle boite de Pandore qui s'ouvre sous nos yeux : on doit absolument la refermer avant qu'il ne soit trop tard !
5 De sebsauvage - 27/07/2009, 22:49
Il est temps d'entrer en résistance numérique.
La ligue ODEBI s'y met: http://linuxfr.org/2009/07/25/25764...
Korben: http://www.korben.info/free-korben-...
et moi aussi: http://sebsauvage.net/rhaa/index.ph...
Non, ce n'était même pas concerté.
6 De jeyenkil - 27/07/2009, 22:54
Ceci est vraiment effrayant... Imaginons un instant si cela avait été possible au temps de Sade ou meme de Maupassant qui n'avait pas que des défenseurs. Quelle horreur. Mais l'ironie est superbe! Que le premier cas (en tout cas connu) de ce genre tombe sur ces deux chef-d'œuvre de Orwell...
J'adore!
PS: pourquoi je n'arrive pas à écrire les accents circonflexes dans ce formulaire? J'espère que la touche de mon clavier n'est pas morte et que cela vient du site.
7 De nicoM - 28/07/2009, 00:59
Pas de bol quand même que ça tombe justement sur 1984...
Moi qui en suit à rapatrier mes boites mails sur mes propres serveurs chez moi pour pas avoir à faire confiance à un tiers, je me vois mal confier mes lectures et leurs notes (et plus peut être qui sait ? Les habitudes et les types de lectures, les temps passés sur chaque pages, tout ça en temps réel via la 3G). Les personnes les moins influençables du XXIe siècle seront les paranos, ceux qui refusent qu'on les téléguide. Les autres sont voués à réélire le nain...
8 De sebsauvage - 28/07/2009, 10:55
Je crois que les ayants-droit ont tendance à oublier que le droit d'auteur porte sur l'*œuvre* elle-même, pas sur chaque *exemplaire* (copie) de l'œuvre. D'où les dangers des DRM, qui peuvent altérer à distance chacune des copies.
Ou alors il faut cesser d'appeler ça "acheter", et utiliser le terme "louer".
D'ailleurs j'ai toujours trouvé que le terme "acheter" est largement abusé en informatique.
On achète jamais vraiment un antivirus: on achète un droit d'utilisation limité (généralement un an), après quoi le produit devient inutile (sans mises à jour).
On achète jamais une musique protégée par DRM: on achète le droit de l'écouter sur son propre ordinateur, rien d'autre. Et jusqu'à ce que les serveurs de licence soient fermés.
De même, je n'ai pas l'impression d'avoir "acheté" Windows XP: Malgré mes 99€ déboursés, Microsoft peut très bien un jour (et ça se produira) décider unilatéralement de fermer ses serveurs d'activation.
Et je ne pourrai alors plus réinstaller Windows XP (que j'ai pourtant payé, et il n'y avait aucune mention de limite de temps dans le contrat d'utilisation).
Dans ce contexte, les licences et logiciels libres prennent alors tout leur sens.
Je crois qu'il faudra beaucoup, beaucoup plus que l'affaire du Kindle pour que le grand public réagisse à cette mainmise des industriels sur notre culture et nos outils.
On est pas au bout du tunnel.
9 De Hipparchia - 28/07/2009, 12:19
Et bien moi je ne serais pas aussi catégorique, au risque de me faire huer.
Certes, à travers cela, on voit toutes les limites et les dangers de l'absence de liberté (qui peut être utilisée en bien ou en mal d'ailleurs). J'en ai bien conscience.
Des clients ont été lésé, que ce soit l'étudiant dont j'ai entendu parler, dont les prises de notes ont sauté, ou les gens qui étaient en train de lire, tout simplement.
Les clients ont été remboursés. Donc il n'y a pas vraiment d'arnaque de la part du fournisseur, sauf que ce genre d'intervention ne doit pas apparaitre dans les conditions de vente.
Concrètement, que s'est-il passé ? Il s'agit d'un prestataire d'Amazon, qui ajoute du contenu au catalogue. Manque de pot, il a ajouté ces deux livres, dont les droits d'auteurs ne sont pas identiques dans tous les pays (Australie, Canada etc). Aussi étrange que cela puisse paraitre, 1984 est locké jusqu'en 2044 aux EUA (ce dont on pourrait débattre). Ca ressemble à une cafouille plus qu'autre chose.
Donc finalement... la technique le lui permettant, Amazon a rectifié le tir (a respecté la loi autrement dit), d'une manière brutale et inédite. Mais est-ce si étonnant ?
Je me pose la question par exemple, si un livre papier sortait sans les droits kivonbien, laisserait-on les utilisateurs garder le livre acheté au lieu de le mettre au pilon, simplement pour respecter le consommateur... ou parce que ce n'est techniquement pas possible de retrouver les traces des acheteurs ? Pour moi la réponse est claire : on ne le fait pas parce qu'on ne peut pas le faire, et qu'on va pas ouvrir une enquête de police puis envoyer la gendarmerie dans toutes les provinces pour récupérer les bouquins.
Je reformule : Amazon n'a t-il pas fait ce qu'il fallait, parce qu'il le pouvait, ce qui a choqué parce qu'on n'en a pas l'habitude ?
Ceci étant dit, je ne pense pas que cette histoire freinera le développement des e-book auprès des gens déjà convaincus. Je ne suis même pas sûr que cela ait une influence sur les gens "au courant" (qui ne sont pas la majorité de totue façon).
Par contre ça va donner encore de l'eau au moulin des "pirates", qui finalement sont les gens les mieux servis. Jusqu'au jour où l'on aura des formats ouverts, et des politiques rigoureuses sur la vie privée et les achats. Là aussi je ne passe pas à côté de cela. Mais les cris poussés (forcément, avec 1984... il ne manquait plus que celui de Ray Bradbury...)
Sur ce, j'attends avec impatience de retourner dans la maison familiale chez ma grand mère, avec des bibliothèques dans chaque chambre, du club des 5 aux premier livres de SF publiés en France, en passant par de nombreux polars, contes, et de vieux Victor Hugo, casés à côté des Pléiade. Des livres lus depuis plusieurs générations, au chaud, et qui me survivront (j'ai 24 ans :p)
10 De sebsauvage - 28/07/2009, 13:55
@Hipparchia
Hypothèse: J'achète un livre en payant avec ma carte bleue (comme beaucoup de monde). Les autorités ont le moyen de retrouver ma trace (sans problème, sur réquisition judiciaire). Il n'y a aucun obstacle technique.
Si l'auteur du livre que j'ai acheté a plagié un autre auteur, et qu'il est condamné pour cela, et que son livre est retiré de la vente, crois-tu vraiment que je laisserais la police venir saisir le livre chez moi ?
Et même avant ça, crois-tu que la police se donnerait tout ce mal ?
Et même sans ça, en a-t-elle tout simplement le droit ? Je n'en suis pas sûr du tout (maintenant, je ne suis pas juriste non plus...)
Ce n'est pas parce qu'il y a la possibilité technique de le faire que c'est: 1) légale 2) morale.
11 De Jarno - 28/07/2009, 14:29
Je cite "Je reformule : Amazon n'a t-il pas fait ce qu'il fallait, parce qu'il le pouvait, ce qui a choqué parce qu'on n'en a pas l'habitude ?"
@Hipparchia : avant on ne pouvait pas être tracé au mètre près, maintenant les puces de téléphone le permette. Faut-il simplement s'y habituer ? Je ne crois pas non. Comme tu dis ça n'empêchera pas les gens d'acheter des e-books, d'ailleurs j'ai moi-même un téléphone portable. C'est pas pour autant que je me satisfais de cette situation, il faut rester vigilant, et faire tout notre possible pour que nos loisirs numériques ne nous enferment pas dans une prison digitale, certes sans barreau, mais prison quand même !
Et puis, comme le montre bien 1984, la culture numérique n'a pas complètement la même valeur que la culture papier tant il est trop simple de la ré-écrire/supprimer à son gré !
12 De Nicolas - 28/07/2009, 14:59
A priori, Amazon tombe sous la loi concernant le piratage, l'introduction de système ne lui appartenant pas et destruction de donnés. Le fil à la patte qui reste ne doit servir que pour les mises à jour.
Je vois là surtout la première manifestation que, contrairement à ce que l'on entend partout, les technologies de l'information ne sont pas intrinsèquement libertaire/anarchiste mais au contraire elle rende possible des techniques d'asservissement totalement impensable dans le monde tangible.
Comme disait mon prof de philo, les avancés du progrès techniques permettent en parallèle plus de bien mais aussi plus de mal.
13 De Hipparchia - 28/07/2009, 15:39
@Seb :
1) légale 2) morale.
Je pense que le premier point est très important. Et qu'il doit se poser pour les deux "camps" et permettre d'en débattre :
- en effet, maintenant on a l'impression de louer plus que d'acheter (pas le droit de prêter un jeu par exemple, c'est dans les conditions qu'on valide, pas vraiment le droit de revendre... ce que l'on fait depuis des années avec les livres. On prête, on donne, on échange)
- si on pose la question de légalité pour nous, on doit aussi considérer que la loi doit être respectée pour les autres (ici ceux qui possèdent les droits aux USA). Et ça peut permettre de se demande comment 1984 n'est t-il pas encore libre de droits, finalement.
- Et si un juge avait dit : détruisons ce qui a été distribué illégalement, et que par la nature du Kindle, cela était possible, je suis sûr que certains trouveraient à redire, alors qu'ils avancent le côté légal, intervention du juge, pour argumenter. C'est un coté que je retrouve souvent chez les défenseurs du piratage par exemple, qui trouvent tout un tas de raisons, mais toujours quand ça les arrange, et sans introspection. C'est plus fort que moi, quand je vais sur numérama, j'ai envie de défendre les ayants droits, et quand je lis les déclarations de ceux ci, je me précipite sur numérama :D
Le deuxième point que tu avances, est très dangereux : la "morale". Je glisserais juste au passage, que c'est avec la morale, qu'on censure le net, qu'on protège nos enfants (et nos jeunes filles violées.......) contre les vilains pédophiles qui peuvent surgir de l'écran. Ce n'est clairement pas au niveau de la morale qu'il faut intervenir. On serait un peu comme une Antigone invoquant d'autres lois (en fait une autre morale), car celle de la cité est trop affreuse. Je pense que l'ond oit changer la loi de la cité si elle n'est pas bonne, et non faire appelle à je-ne-sais-trop-quoi-qui-varie-en-fonction-de-chacun. C'est clairement un piège. Pour moi on doit définir un Droit, et le faire respecter (tiens, ça me fait penser au nouveau "vos droits" de FF3.5)
@Jarno
Je suis également très suspicieux concernant les puces RFID (mon passe navigo par exemple), la téléphonie mobile (que ce soit au niveau du traçage ou des dangers potentiels), des caméras de sécurité partout (c'est cher en plus), des machines de vote électronique (huhuhu), et je rigole (jaune) quand on me dit "de toute façon, si t'as rien à cacher..."
Je reste vigilant; et je reconnais toutes les possibilités, le côté pratique de ces choses là (au niveau gestion, ça doit être super à la RATP). C'est vrai qu'on perd simplement en droit de se faire oublier. Mais on perd surtout autre chose, et l'exemple flagrant concerne les caméras de sécurité : on met des moyens considérables pour surveiller, mais finalement c'est en général du post évènement et finalement on oublie de travailler en amont. Je travaille pas loin des invalides, et il y a du gazon dans l'avenue de Breteuil, cradossé chaque jours par les jeunes qui viennent manger et laissent tout en plan. 7ème oblige, le lendemain il n'y a plus rien. Une caméra pourrait "chopper" les individus (et lex vieux avec leurs chiens :p), mais bon... finalement on en fait quoi après ? des citoyens propres par peur du gendarme ? La seule solution ensuite c'est toujours plus de caméra, car sans gendarme... plus de tenue. Mais non, on préfère investir dans les caméras.
Bref.
La question reste pour moi la même : dans les réactions que j'ai vu un peu partout, je me demande quelle est la part de réelle inquiétude sur les libertés et les discours parfois un peu trop fanatiques, et donc : si un juge avait dit "Oui", qu'auriez vous dit ? "C'est scandaleux !" ?
N'est ce pas finalement une sorte de fuite en arrière face au changement des environnements de distribution, un brin teinté de "c'était mieux avant". Le fait qu'Amazon puisse accéder au contenu du Kindle (qu'à priori vous avez acheté via sa boutique, donc déjà identifié) est-il le problème ? Le problème est-il la suppression (qui aurait pu imaginons, venir d'une décision du juge). Qu'en est t-il des soucis de droits ?
Le problème n'est-il pas plutôt l'erreur du prestataire qui n'a pas respecté la réglementation, ce qui a entrainé une réaction d'Amazon, réaction frappante de par son étendue et sa puissance, sa nouveauté ?
Pour tirer un peu encore sur la corde : un couteau coupe. Doit-on demander de vendre des couteaux à beurre à la place des lames en acier, sous prétexe qu'une personne peut tuer (et a déjà tué) avec ?
Oui, je retourne l'argument anti-tout-sécuritaire contre lui même :D
Par contre je ne saisis pas bien (ou j'ai peur de saisir) ta dernière phrase, qui pose une hiérarchie culturelle entre le numérique et le papier.
14 De Jean - 28/07/2009, 16:52
Je pense qu'on se trompe de débat et qu'on fait tout un plat d'une péripétie du modèle commercial d'Amazon. Il est quasi certain que la société n'a pas supprimé d'autorité les achats de ses clients au prétexte qu'au final elle avait fait une bourde sur les droits de distribution. Plus simplement, faute des autorisations nécessaires, elle a rectifié le tir et effacé les références des deux livres de ses bases données. Automatiquement, le DRM n'étant plus activé à la connexion au serveur central, les fichiers ont disparu. C'est ballot.
Pour ce qui est du Droit d'Auteur ou ici du Copyright il faut bien avoir en tête qu'on achète jamais une œuvre mais seulement le « droit » de la lire, d'en écouter une interprétation, d'assister à une représentation, de visualiser sa captation mise en scène par un cinéaste, etc. Celle-ci, ou plutôt « la partition » au sens strict reste la propriété exclusive de l'auteur, sauf en pays de Copyright ou elle peut être cédée définitivement à un tiers ou même une personne morale. Le « virtuel » a plusieurs siècles d'âge et ne date pas de la révolution informatique. Faute d'autorisation de l'auteur la représentation théâtrale n'a pas lieu, on rembourse les spectateurs. Point.
Considérant cela on peut se poser la question de savoir si le contrat d'utilisation passé avec Amazon est satisfaisant, si le modèle Kindle est vraiment avantageux par rapport au livre papier, si les DRM n'ont pas quelques inconvénients pour le consommateur, etc. Mais il n'y a pas de quoi faire du sensationnalisme, crier à la censure et en appeler aux mânes d'Orwell et de Bradbury.
15 De Laurent Claessens - 28/07/2009, 17:27
Je suis d'accord avec Hipparchia.
Deux questions doivent trouver une réponse claire avant de pouvoir se forger un avis sur la question.
1. Que dit la loi en cas de vente illégale d'un bien ?
Est-ce que l'acheteur est dépossédé, est-ce qu'il garde son bien ? Est-ce qu'il est remboursé ?
Questions annexes : quelle jurisprudence ? de quand date la loi ?
2. Que disent les conditions d'utilisation de Kindle ?
Sans réponses à ces questions, il me semble difficile de se faire un avis très profond sur la question.
Je crois que de toutes façons, deux erreurs cruciale ont été comises :
1. Amazon a probablement agit dans la précipitation. Ont-ils cherché un accord avec les ayants droits ?
2. Les "victimes" avaient acheté de la culture protégée par des DRM.
Ça, c'est en soi une faute. Je suis content pour eux qu'ils se rendent compte de leur erreur en perdant juste un livre plutôt qu'en perdant toute leur collection de musique (comme c'est déjà arrivé)
16 De Jarno - 28/07/2009, 21:31
@Hipparchia :
Ma dernière phrase n'est pas assez claire, c'est vrai : en fait mon idée de "hiérarchie et valeur culturelle" est à deux niveaux :
Finalement, c'est Laurent Claessens qui a raison selon moi. Il va falloir que ces "loueurs" jouent cartes sur table en précisant quels sont leurs droits & devoirs, et quels sont nos droits. Après, libre à nous d'être d'accord ou pas, de les attaquer s'ils violent nos lois et de se battre sur le plan législatif pour améliorer la protection des consommateurs.
17 De Yannick - 28/07/2009, 22:01
La question que je me pose est « Est-ce que ce sont les ayant-droits d'Orwell qui ont demandé à Amazon de supprimer les “copies distribuées” ou est-ce que celui-ci a agi de son propre chef ? »
Dans le premier cas, ce serait bien dommage ; n'ont-il rien appris de leur aïeul ?
18 De Jean - 30/07/2009, 17:45
@ Yannick
Si tu c'est aux héritiers d'Orwell que tu penses, à mon avis tu te trompes. Si un héritier est ayant droit tous les ayants droit ne sont pas forcément héritiers. Bien souvent il s'agit des éditeurs ou de bénéficiaires de contrats de cession. D'autre part n'oublions pas que l'on est en pays de Copyright et non de Droit d'Auteur or celui-ci est détenu par une personne physique et il est refusé à une personne morale sauf dans de rares exceptions tandis que sous le régime du Copyright, le droit de propriété intellectuelle est accordé au producteur ou à l'éditeur. Enfin cette mésaventure commerciale n'a pas grand chose à voir avec la destruction des écrits, la réécriture de l'histoire, la manipulation de la mémoire, décrits par Orwell dans 1984. C'est du sensationnalisme qui n'a pas de sens. Amazon n'a pas fait disparaître de la planète, des États-Unis ou de la mémoire de l'humanité les deux ouvrages d'Orwell… mais seulement de la mémoire informatique du livre électronique vendu à ses clients.