NKM, c'est Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État à la prospective et au développement de l'économie numérique. Et elle a invité à nouveau plusieurs blogueurs à dîner la semaine dernière. Le mois dernier, je lui avais parlé de cette catastrophe législative qu'est Hadopi, sans arriver à lui faire reconnaître l'inanité de la chose (je suis persuadé qu'elle n'est pas dupe, mais qu'elle ne prendra pas le risque de dire ce qu'elle pense, parce qu'elle sait que ça ne changera rien à l'affaire, à part prendre des coups).
Cette fois-ci, NKM revenait d'un voyage en Silicon Valley, d'où elle avait twitté cette merveille qui m'avais fait bomber le torse pendant au moins 3mn (plus, c'est vraiment trop fatigant) :
vu les boss de apple google mozilla puis linkedin. Coup de coeur pour equipe mozilla. Sympas ouverts et vraie vista.
NKM nous a donc parlé de son voyage en Californie et à Washington. L'ami Koztoujours en a fait un bon compte-rendu.
Pendant le fromage et le dessert, NKM s'est placée entre Jean-Michel Planche et moi. C'était la fin de la soirée, il devait être proche de 23h, et la fatigue commençait à se faire sentir. J'ai profité de la présence de la ministre pour lui poser la question qui me brûlait les lèvres :
Internet, c'est une révolution. Un changement énorme mais inévitable. Forcément, les organisations en place ont peur de ce changement, car leur status risque d'être remis en cause. L'envie est forte de résister à la révolution qui s'annonce. Il est tentant, mais futile, de vouloir la tuer dans l'oeuf. Certaines industries, comme celle du divertissement de masse (musique, studios hollywoodiens) ont l'oreille du gouvernement. Comment peut-on faire pour que la France embrasse la révolution Internet au lieu de la combattre vainement ? Comment peut-on vous aider pour que le gouvernement français comprennent et saisisse l'opportunité au lieu de la détruire ?
Il était tard, et la question n'était pas simple. Je n'ai pas eu de réponse. Quoi qu'il en soit, je reste à la disposition de Nathalie Kosciusko-Morizet et de son équipe pour l'aider dans cette tâche, si elle le souhaite. Et je suis sûr qu'il en est de même pour la plupart des entrepreneurs du Net, des blogueurs et tous ceux qui comprennent les enjeux de l'Internet. Les enjeux sont immenses, et j'enragerais de voir mon pays passer à coté de la société de l'information.
Mise à jour : Deux autres comptes-rendus sont disponibles chez Fred Cavazza et Olivier Ezratty.
19 réactions
1 De The_glu - 28/04/2009, 15:59
Viens vivre en suisse, nous avons du chocolat °o°
2 De Jacques - 28/04/2009, 16:08
C'est vrai pour l'industrie du divertissement et de l'information, mais c'est vrai aussi pour beaucoup d'autres entreprises. Exemple la sncf et sa filiale voyages-sncf.com. Un site très mal conçu, monopolistique et qui tente de faire croire une ouverture avec debats.sncf.com alors que ces "débats" sont sans réponse et extrêmement modérés, c'est du pure marketing. Ils en est de même pour beaucoup d'autres entreprises qui ne jouent pas la transparence et l'honnêté qu'offre Internet.
3 De niXar - 28/04/2009, 16:43
Tristan,
Je ne vois pas trop ce que vous pouvez espérer de ce gouvernement, ou plutôt, des gouvernements de ce président.
Ca a commencé très vite. D'abord l'affaire OOXML, passé à 1 voix près: le vote négatif de l'Afnor transformé comme par magie en abstention après un coup de fil du PDG de la filiale française à son ami, président. Ensuite le RGI, bloqué dans les limbes pour ne pas embêter ce même ami.
Le plus choquant, avant l'Hadopi, c'est la 4e licence 3G. Je sais de source UMP qu'une bonne partie de la majorité est favorable à son attribution rapide; ils croient encore à l'économie de marché, ces doux dingues. Mais ça bloque toujours au plus haut niveau de l'état, toujours pour ne pas gâcher le plaisir d'un bon ami du Prince.
L'Hadopi n'est que la suite logique. On savait déjà ce qui allait se passer dès le questionnaire de candidats.fr; celui qui allait devenir président avait répondu en dernier, en reprenant les talking points gentiment fournis par le département marketing d'un certain éditeur de logiciels de l'état de Washington ("le LL c'est bien, mais il faut laisser le choix").
Notre président ne comprend pas plus internet que Frédéric Lefebvre, et, de toutes façons, il est prêt à sacrifier notre économie et notre avenir si ça peut rendre services à ses copains de golf.
4 De YanK (développeur web) - 28/04/2009, 16:56
De toute façon en France on montre que les dérives d'Internet qui ne sont ni plus ni moins que les dérives humaines qui existaient déjà. Pourtant Internet c'est quelques chose de bien plus intéressant que ça.
La seule chose que j'aimais dans la loi Hadopi (arrêtez moi si je me trompe) c'est qu'une personne ayant téléchargé un film ou une musique non proposé en téléchargement légal ne serait pas inquiété. Ça serait bien de forcer les industries du divertissement à dématérialiser leurs contenus. On nous parle d'écologie mais on laisse des industries continuer à fabriquer et vendre des galettes de plastique.
Il serait temps que tout ça évolue un peu.
Mon avis c'est qu'il faut arrêter de voir Internet comme un problème mais plutôt de le voir comme une solution.
5 De koz - 28/04/2009, 17:14
Rassure-moi, y'a pas de jeux de mots avec "l'ami" ?!
6 De Anonym - 28/04/2009, 17:16
Je me demande pourquoi on fait encore semblant , pourquoi on garde les apparences d'un débat démocratique tout en refusant d'entendre tous les arguments qui ne vont pas dans le sens de la loi qu'on a décidé dès le départ de fdaire passer, de gré ou de force.
7 De RilaX - 28/04/2009, 17:48
Entièrement d'accord avec toi Tristan !
Le gouvernement ne doit pas rater le virage du net, et pour se faire, il doit écouter ceux qui ont la "vista" pour reprendre l'expression. Et nkm semble la femme la plus a même de faire prendre ce virage a la France.
8 De Alexis - 28/04/2009, 17:55
Vaste programme ! Tristan président
9 De Coup de gueule - 28/04/2009, 22:08
Je lis ton blog, Tristan... je me dis, c'est bon, il y a de l'espoir.
Mais après , je lis PC INpact...
http://www.pcinpact.com/actu/news/5...
http://www.pcinpact.com/actu/news/5...
Et là, je me dis qu'il y a un monstrueux fossé... parce que là, c'est diamétralement opposé.
Alors, soit il y a un monstrueux "clash" entre les membres du gouvernement.
Et il va bien falloir qu'il y ai quelqu'un (au gouvernement ?) qui défend Internet.
Ou soit, il y a un double discours. Des promesses, des flatteries... mais ils projettent, en fait, de faire l'opposé.
On ne sait pas sur quel pied danser !
Des fois, ça ressemble un peu à un jeu de rôle, à un spectacle. Avec dans le rôle du "mauvais et méchant" ministre Christine Albanel, et dans le rôle du "bon et gentil" ministre Nathalie Kosciusko-Morizet.
Faudrait pas non plus nous prendre pour des cons, quand même, madames et messieurs les politiques !
10 De bitonio - 28/04/2009, 22:27
"Il était tard, et la question n'était pas simple. Je n'ai pas eu de réponse."
Je serais tenté de dire no-comment. Je suis une buse en politique (et dans plein d'autres domaines par contre, il est clair que l'économie tel que Mozilla et plein d'autres sociétés la vive ne doit pas être très bien compris dans les couloirs des ministères.
Avec Jean-Michel, quand est-ce que vous nous faites un parti politique ?
11 De j.y.bernier - 28/04/2009, 23:45
Que peut-elle faire? Rien. Le généralissime veut HADOPI et il l'aura. L'internet à sa botte. Dans notre désormais monarchie élective, personne ne s'oppose au monarque.
Ce n'est pas seulement pour ses copains de golf. C'est sa revanche. Sur le camouflet du vote perdu. Sur le camouflet de la Constitution Européenne. Sur un peuple qui s'exprime et fait de la démocratie sans y être autorisé. Qui déshabille multi-nationales et politiciens sur la place publique. La revanche d'un monde habitué à fabriquer l'opinion, cette opinion dont il a besoin pour se maintenir. Un monde qui a une pétoche bleue d'Internet.
12 De Shonagon - 29/04/2009, 01:11
Merci pour ce billet qui va droit au cœur du problème politique d'Internet en France.
On peut comprendre l'importance accordée à la question du droit d'auteur, surtout que cette notion née en partie en France est bouleversée par les nouvelles technologies et leurs usages.
Mais en se focalisant sur la cyper-criminalité et sur la question du droit d'auteur (ou plutôt en la posant mal), nombre de responsables politiques semblent passer complètement à côté de l'essentiel et se montrent bien peu capables de favoriser l'innovation. Un peu quand même il est vrai mais le cloisonnement universitaire, du monde culturel, du monde de la recherche... en regard d'autres projets, laisse quand même à penser que ça déconne quelque part. Une fâcheuse tendance à réinventer la roue. Le développement de projets dans un sens institutionnel et national, avec parfois des budgets pharaoniques. Et sur les quelques projets européens, certains ressemblent bien malheureusement à de l'argent jeté par les fenêtres. Une incapacité flagrante à s'appuyer à et à promouvoir les projets libres. L'utilisation de SPIP est un bon contre-exemple mais malheureusement les exemples connus pourraient être nombreux et on n'en citera pas pour ne froisser personne.
Nombre de responsables s'imaginent que favoriser un projet Internet consiste à débloquer des budgets et qu'après c'est affaire de spécialistes. Avec des résultats aléatoires : parfois très bons, le plus souvent médiocres, notamment au vu des sommes engagées. Les questions de technologies utilisée, de formats, d'interropérabilité, de pérennité, de possibilité ou non d'évolution, d'accessibilité réelle, d'usage réel passent presque toujours au second plan. Tout étant masqué par de beaux tableaux Excel et des réunions où tout le monde se félicite de ces toujours "grandes réussites".
13 De Guillaume Stricher - 29/04/2009, 10:41
Infatiguable promoteur d'un web ouvert, merci de vous faire également le porte-voix, de mettre en valeur ce changement de civilisation au regard duquel les intérêts de Palais paraissent bien misérables...
14 De Rick Hunter - 29/04/2009, 10:47
Pourquoi as-tu posé cette question? Tu n'as pas remarqué que c'est le ministère de la culture qui s'occupait d'HADOPI, ou "Création et Internet" (mais où est le volet Création?)?
Les seules (rares) fois où j'ai entendu NKM, secrétaire d'État à la prospective et au développement de l'économie numérique, c'est quand on lui demandait ce qu'elle en pensait, c'est tout. Avec une bonne réponse langue de bois.
15 De Benjamin Bayart - 29/04/2009, 10:52
Bonjour Tristan,
Je suis très embêté par la lecture de ton billet. D'abord sur le fond du compte rendu: il ne s'est (à t'en lire) rien dit à ce fichu dîner, puisque le seul moment que tu relates, entre la poire et le fromage, c'est une non-réponse de NKM, alors que ta question était fondamentale. S'il ne se dit rien, pourquoi relater ?
Ensuite, parce que je retrouve là certains travers de la communication. J'ai le sentiment que si les blogueurs sont invités, c'est parce qu'ils relaient plus servilement la soupe qu'on veut bien leur servir, alors que les journalistes vont se concentrer sur d'autres sujets. Les non-spécialistes sur les affaires people (c'est vrai qu'Yves Montand est le père du bébé de Rachida? ou autres questions de ce tonneau-là). Les spécialistes vont lui parler d'Hadopi, et elle refusera de répondre, parce qu'un ministre, ca ferme sa gueule ou ca démissionne.
Elle a twitté que l'équipe Mozilla était sympa? D'un point de vue humain-perso, je comprend. Si elle avait twitté que FDN c'est de la balle, je me serai plus senti pisser. D'un point de vue libriste-militant-asso, qu'est-ce qu'on s'en fout? Enfin si, le mot le plus important, dans son twit, c'est vista. Elle comprend qu'il y a, en sous-jacent, une vision du monde, une vision du réseau, et donc une vision de la société. C'est important. Mais ca dit seulement ce qu'elle à compris, pas ce qu'elle fera.
Elle a parlé programme, plan d'action, politique, pendant le dîner? Quelques mots sur le contenu du paquet télécom, qui considère toujours qu'Internet est un produit dérivé de la téléphonie? Quelques mots sur le développement du très haut débit? C'est prévu pour rester sous contrôle total des marchands de musique, ou le marché sera régulé? Une annonce quelconque? Quelque chose sur la neutralité du net, qu'on tente de défendre bec et ongle au parlement européen? Quelque chose sur l'autorisation réclamée par les gros opérateurs d'avoir le droit de filtrer ce que bon leur semble sur le réseau?
Enfin, je te trouve bien indulgent. Il était tard, d'accord. Mais c'est le sujet essentiel de son boulot. Ce n'est pas comme si tu allais l'intéroger sur un sujet lointain. Tu lui demandes, en gros, pourquoi elle est là. Elle devrait savoir répondre du tac au tac. Je suis sur que si on te demande, même tard, même grippé, même fin saoul, si tu crois qu'il y a un intérêt à respecter les standards ou s'il ne vaut mieux pas développer une version plus puissante de Flash, tu sauras répondre.
Je sais, pour te lire régulièrement, qu'on est d'accord sur un bon paquet de points. Je sais aussi que quand je réagis en commentaire c'est parfois épidermique. Mais voilà, le compte rendu de quelqu'un qui comprend les enjeux (toi) qui dîne au ministère avec une ministre qui semble comprendre les enjeux (elle), mais qui n'a aucun pouvoir pour faire avancer ces enjeux, qui laisse passer des textes absolument contraires à cette compréhension, ca me met mal à l'aise. J'ai l'impression qu'elle essaye de soigner son image perso, de communiquer vers les gens du Net pour dire qu'elle est gentille, qu'elle à compris, qu'elle nous aime bien. Bref, elle caresse dans le sens du poil. Ayant pris suffisament de baffes de la part des politiques ces 15 dernières années, je suis méfiant.
Bon, du coup, si je croise les comptes rendus des autres, je verrai bien si j'en retire autre chose que ce sentiment de malaise.
16 De Nico - 30/04/2009, 10:01
+1 avec Benjamin Bayart.
Sinon, soyez gentil de m'indiquer pourquoi le mot "vista" vous semble être un compliment, pou moi c'est une insulte synonyme de "gourmand, gros, lent, lourd, moche et incompétent" (troll inside)
17 De Tristan - 30/04/2009, 16:58
@Benjamin Bayart : je viens à ces dîners parce que j'espère faire avancer les choses. Je suis conscient que ça ne va pas se faire comme ça en deux tiers de dîners. Si un jour je devais réaliser que ça ne fait rien avancer du tout, j'abandonnerais, car j'ai mieux à faire de mon temps.
Ensuite, ça n'est pas facile de jouer à ce jeu. Si on n'est trop agressif, on n'est pas réinvité. Si on ne l'est pas assez, ça ne sert à rien d'y aller (à part l'ego-boost et le fait de pouvoir placer dans les conversations "l'autre soir, quand je dinais avec la ministre...", ce qui est somme toute assez futile).
Déjà, lors du 1er dîner, j'avais été assez franc sur ce que m'inspire Hadopi, ce "Vista legislatif", au point que j'ai été plutôt surpris d'avoir été invité à nouveau.
Enfin, si j'ai publié ce billet avec ma question, c'est que je pense qu'elle est fondamentale. C'est aussi quelque chose de différent de ce qu'entendent les ministres d'habitude. Au lieu du "il faut que le gouvernement fasse ceci pour mon industrie", je lui demande "que puis-je faire pour vous aider à faire passer le message positif du Net auprès de nos élites".
Publier cette question, c'est une façon de la remettre sur le tapis, qu'elle ne soit pas oubliée. Les paroles s'envolent, les écrits restent. Voici donc ma question écrite ! J'espère qu'elle fera débat au sein de l'équipe de NKM, et qu'on pourra avancer dans la bonne direction. Sinon, tant pis. J'aurais essayé. Ca serait presque un soulagement d'ailleurs : j'ai déjà un boulot hyper prenant, qui couvre un territoire bien plus important que la France, surtout si la France s'enfonce dans ses lois rétrogrades.
18 De Tristan - 30/04/2009, 17:04
@Nico : "Vista", originellement, ça signifie "vision". Et puis ça a été dénaturé il y a 2 ou trois ans et maintenant, beaucoup de gens comprennent "accident industriel" quand ils entendent "Vista". Voir aussi Vistaster : "a giant cluster-fuck; a colossal mistake; a turning point, inflection point, or event that, in retrospect, turns out to have led to the doom and demise of a once-powerful company, person or organization. "
19 De Tristan - 30/04/2009, 17:12
@Bitonio qui écrit "avec Jean-Michel, quand est-ce que vous nous faites un parti politique ?"
Jamais.. Mais alors vraiment jamais. Poru plein de raisons. Ma femme m'a déjà mis un ultimatum du genre "si tu fais de la politique, je te quitte". Car elle sait que je serais profondément malheureux si j'en faisais.
Ensuite, comme je disais en boutade lors du lancement de Firefox 2 à la région Ile de France, suite à un discours qui fut bien reçu, en réponse à la question "M. Nitot, vous devriez faire de la politique", j'ai répondu "si je voulais changer le monde , je ferais du logiciel Libre". Avec le temps, la boutade n'en est plus vraiment une...
En fait, j'essaye d'aider le gouvernement français (et la classe politique) à mieux négocier le virage de la révolution du Net. S'ils refusent ma main tendue, ça n'empèchera pas le changement de s'effectuer et ils finiront dans le décor, obsolètes (tout comme ils sont déjà en voie d'obsolescence vis à vis de la mondialisation). Mais le changement aura lieu, il sera juste un peu plus long et beaucoup plus douloureux si les gouvernements s'y opposent.