Initialement, ce billet devait s'intituler Le logiciel libre ne cotise pas chez Besancenot #3, mais j'ai décidé de le renommer. Voici pourquoi : suite à un billet de François Miclo, Daniel Glazman explique ce qu'il pense du libre, du propriétaire et du logiciel en général. Les deux textes sont longs, mais c'est pour moi un prétexte pour rebondir et expliquer ce qui me passionne et me fascine dans le logiciel Libre, dans Internet et dans Mozilla. Je vous prévient, c'est un billet vite fait, limite bâclé, mais c'est toujours mieux que rien. Une fois ces précautions d'usage mentionnée, c'est parti, mais en 4 parties, histoire que vous ayez le courage de tout lire (publication au fil de l'eau)
Première partie : A propos du logiciel propriétaire
- Le logiciel propriétaire existe depuis longtemps, si longtemps que pour la plupart des gens, on a l'impression qu'il a toujours été là, et que c'est la manière "normale" de faire du logiciel. C'est faux.
- Je ne suis pas contre le logiciel propriétaire. Je ne me sens pas "impur" quand j'en utilise. Richard Stallman lui même, alors qu'il menait le projet GNU (la réécriture des utilitaires Unix en version Libre) a utilisé des Unix propriétaires, remplaçant les briques propriétaires par du Libre au fur et à mesure de leur disponibilité, en commençant par l'éditeur (Emacs) puis le compilateur (GCC), en réutilisant le noyau Linux quand il a été disponible. Donc, je ne me sens pas impur en utilisant un logiciel propriétaire. Mais "sous influence", oui. Et pas forcément positive, l'influence...
- A mon avis, le logiciel Libre et le logiciel propriétaire vont co-exister très longtemps. Par contre, je pense que le propriétaire va se réduire à des marchés de niche de plus en plus réduits. Mais je peux me tromper. Les marges souvent énormes du logiciel propriétaire permettent souvent de faire du marketing qui fait que l'utilisateur est persuadé qu'il n'y a rien d'autre.
- J'utilise du logiciel propriétaire quand il répond mieux à mes besoins que du logiciel Libre. Il y a un coût, qui est que je suis obligé de réfléchir sur ce que ce logiciel m'impose sans que je le réalise (le plus souvent sur le format de données et donc la difficulté que j'aurais à le quitter, sur le type de système d'exploitation que j'utilise, sur les services auxquels j'ai accès). Pour cette raison, j'essaye autant que possible d'utiliser de plus en plus de logiciels Libres. Parce qu'avec eux, j'ai plus de liberté. Mais je ne suis pas au point de perdre ma capacité à travailler non plus, sous prétexte que je me sens obligé d'utiliser des outils logiciels mal fichus et ne répondant pas à mes besoins.
Les autres articles de cette série :
- A propos du logiciel propriétaire
- De l'importance du logiciel et de sa liberté
- Le logiciel Libre, nouveau mode d'organisation
- Conclusion.
20 réactions
1 De Yvan - 09/12/2008, 19:08
"Richard Stallman lui même, alors qu'il menait le projet GNU ... a utilisé des Unix propriétaires".
Oui, enfin, parceque lui, n'avait pas le choix : aucune alternative n'existait.
2 De chris - 09/12/2008, 19:12
Et au même moment Daniel Glazman explique que ce qui lui plait, c'est l'écriture de logiciel, quelque soit sa nature, libre ou pas. Cela a le mérite de la franchise. Cela permet aussi d'éclairer ses prises de position passées et futures sur le libre (petit "l" en dédicace).
Argumentation solide et respect mutuel permettent à tous d'avancer
Réf : http://www.glazman.org/weblog/dotcl...
3 De AbriCoCotier - 09/12/2008, 19:51
Je rebondis sur ton texte pour ajouter que le logiciel libre n'est pas tout : les formats libres sont également une partie essentielle d'un monde libre, car ils assurent de la pluri-compatibilité entre les logiciels (et donc de la liberté d'en quitter un pour en adopter un autre).
4 De Benoît Pruneau - 09/12/2008, 20:11
"Les marges souvent énormes du logiciel propriétaire permettent souvent de faire du marketing qui fait que l'utilisateur est persuadé qu'il n'y a rien d'autre."
Est-ce à dire qu'en logiciel propriétaire, il y a plus d'argent dépensé en marketing qu'en développement? C'est ce qui ferait qu'en bout de ligne, quand on achète un logiciel, on aurait pu l'avoir dix fois moins cher (chiffre hypothétique) s'il n'y avait pas eu de marketing?
Cependant, cette phrase est selon moi le point important de ce billet: les utilisateurs paient cher leur méconnaissance.
Je viens d'avoir une idée: on vise un magasin qui vend des logiciels grand public, on s'habille comme un vendeur, on va poireauter dans les allées du magasin par un beau samedi matin, et on conseille à un client sur un logiciel de ne rien acheter et de télécharger son équivalent libre.
On risque de se faire donner un coup de pied au derrière par le gérant du magasin après un quart d'heure, mais on va avoir passé une belle matinée...
5 De olivier - 09/12/2008, 21:38
Je ne serais pas aussi catégorique envers les logiciels propriétaires... J'utilise énormément de logiciels propriétaires qui sont beaucoup mieux conçus et plus agréables à utiliser que leurs éventuels équivalents libres (je travaille sur mac, ça aide) mais très peu (voir aucun, mais je ne le jurerais pas) m'enferment dans un format complètement incompatible...
6 De Nicolas F. - 09/12/2008, 21:55
Le logiciel libre est la seule alternative car les informaticiens n'existaient pas avant, et aujourd'hui, ils sont légions et représentent autant de bouches à nourrir pour une production qui croît si peu en fin de compte...
Je pense que l'économie du logiciel propriétaire n'y est pas pour rien dans la dégradation des conditions de vie et le creuset entre les pauvres et les riches.
7 De Thunderseb - 09/12/2008, 22:19
@Benoît Pruneau : ça parait être un plan intéressant mais ça risque d'être difficile de convaincre les gens, car il va falloir leur expliquer le principe du libre et ce que ça implique. Et il ne faut pas oublier que pour les gens "non-geeks", quelque chose de gratuit est quelque chose de louche. Dans la vie, tout se paie, sauf le libre, c'est l'exception qui confirme la règle, et les gens s'en méfient. Ce qu'il faudrait c'est commercialiser des versions boite d'OpenOffice.org (par exemple) et juste faire payer la boite et le CD, histoire que ce soit vendu en magasin traditionnel et que ça vaille quelque chose sur le plan financier. C'est idiot à dire, mais je suis certain que ça rebuterait moins les gens et ils auraient plus confiance qu'ne écoutant des discours libristes parfois (pas toujours ^^ ) indigestes.
8 De jpj - 09/12/2008, 22:34
Formats de données Libres et ouverts et logiciels Libres et Open Source. C'est probablement là que se situe le point important et les risques de confusion. Des formats libres et ouverts assureraient un véritable libéralisme économique, au bon sens du terme, en favorisant la concurrence entre éditeurs. L'argument consistant à dire que l'innovation est dans le format de fichier est évidemment du pipeau. La meilleure preuve en étant que des formats différents permettent d'obtenir le même résultat. Le format propriétaire ne sert qu'à rendre le client captif, ce qui dispense de porter ses efforts sur ce qui compte vraiment dans un logiciel (ergonomie, stabilité, optimisation du code, etc.
Le logiciel libre diffère du simple format ouvert par sa philosophie et par son modèle économique. Mais il faut quand même trouver de quoi payer les développeurs.
Du point de vue de l'utilisateur, le plus important est le format ouvert qui offre la véritable liberté de choix et de migration. Actuellement, il n'y a pas de logiciel Libre sans format de fichier libres et ouvert. De l'autre côté, il n'y a quasi pas de logiciels propriétaires avec des formats ouverts (pdf, dxf,...) et aucun avec des formats libres.
Il me semble que c'est là que se situe la confusion dans le billet de causeur. Le libéralisme (le bon), c'est le format ouvert. Avec le logiciel libre, c'est un autre paradigme et donc un changement beaucoup plus important.
9 De chris - 09/12/2008, 23:32
Certains comparent l'open source aux recettes de cuisines : elles appartiennent à la communauté, évoluent, se partagent et se propagent. Mais la liberté c'est aussi de pouvoir vendre sa propre interprétation, d'ouvrir un restaurant, d'en vivre et de garder pour soit une partie des ingrédients et de la méthode.
Le futur ne verra pas la fin soit du libre soit du propriétaire, c'est cette frontière mise entre les deux qui va disparaitre. Je pense, à l'avancée des "software as a service", basés sur du libre, accessibles par abonnement, mais dont toutes les sources ne sont pas ouvertes.
10 De Ingé - 09/12/2008, 23:50
Les "marchés de niche"... je ne suis pas sûr, je ne croit pas... je ne sais pas.
Combien de fois je me suis fais avoir avec les logiciels propriétaires, le jour où ils ont arrêté, le jour où ils ont mis la clé sous la porte. On se retrouve avec le bec dans l'eau, avec par exemple : l'obligation d'avoir une machine "figée dans le temps" en essayant de la maintenir avec un système d'exploitation obsolète juste pour ce logiciel (et je ne parle pas de cas où il y aurait des DRM), des tonnes de fichiers dans un format propriétaire qui deviendra obsolète, etc.
Aujourd'hui, je privilégie le logiciel libre... Tant pis, si ce n'est pas "la crème de la crème", mais c'est une assurance pour l'avenir.
Non, s'il y a besoin de logiciels pointus, il vaudrait mieux que les professionnels s'organisent pour développer leurs propres logiciels (libres)... je crois...
11 De William Fenêtres - 10/12/2008, 00:20
Les logiciels open source n'ont rien de "libre", ce sont très souvent soit des copies (pas forcément pâles d'ailleurs) de logiciels closed source (Linux, Gnu), soit ayant commencé leur vie comme closed source (MySql, Firefox, etc...) et ne l'ayant pas terminé faute de moyen... La seule différence réside dans le fait que les sources sont finalement publiques ou pas. Les développeurs sont à 90% salariés comme les autres (Mr Nitot je ne pense pas que vous êtes 100% bénévole non plus?). Le reste, c'est de la fumée blabla new age.
12 De Goulwen - 10/12/2008, 07:22
@AbriCoCotier: c'est un point que l'on évoque rarement je trouve: en quoi un logiciel (ou un service web) propriétaire mais exploitant un format ouvert est-il un intermédiaire pertinent ?
@Thunderseb: Dans la vie, tout se paie, sauf le libre, c'est l'exception qui confirme la règle, et les gens s'en méfient
Sans vouloir lancer un troll, la plupart des logiciels libres se développent parce que quelqu'un paie pour ça: où en serait Linux sans le support d'IBM (et d'autres sociétés qui supportent Linux parce que c'est leur intérêt commercial d'avoir une alternative à Windows ?) Il me semble avoir lu que 80% du code de Linux est écrit par des gens payés pour le faire. De même, si Google supporte Mozilla, c'est parce que c'est son intérêt de voir le web avancer. Il y a donc bien quelqu'un qui paie, même si ce n'est pas directement l'utilisateur final.
13 De Daniel Glazman - 10/12/2008, 08:44
@William Fenêtres: Firefox a commencé sa vie comme closed-source ??? C'est un gag ou quoi ? Firefox est open-source depuis sa première ligne de code. Mozilla ne reprend pas le code de Netscape4. Il ne doit pas rester plus d'une dizaine de lignes de code de l'ancien repository dans Gecko et même ces lignes-là ont été open-sourcées dès le lancement du projet Mozilla.
14 De Daniel Glazman - 10/12/2008, 08:45
@Goulwen: c'est un peu plus compliqué que cela pour Google et Mozilla... Google paye surtout parce que le moteur de recherche par défaut de Firefox est Google, donnant une visibilité énorme à tous les produits et pubs google. Ce n'est pas que de la philanthropie, c'est _aussi_ du business.
15 De rthomas - 10/12/2008, 09:14
L'open-source, outre tous les arguments déjà exposés, permet
- de juger de la qualité du produit par la qualité du code source
- de former les développeurs par l'étude du code
Vous avez de l'open source horrible (par exemple tesseract, un magma infâme de code personnalisé par chaque dev qui est passé dessus)
Vous avez du commercial horrible aussi (ma boite avez acheté une licence code source d'un bon produit, l'envers du décor était une vraie horreur)
Après vous avez du bizarre (comme dirait Audiard) : un produit gratuit pour lequel vous avez le code source mais qui n'est pas "open-source" c'est à dire que vous ne pouvez reprendre et modifier le code dans sa totalité. Par exemple Microsoft .NET : compilateur gratuit, code source des assemblies ".NET" disponible. C'est gratuit, avec les sources mais pas "open source".
Mais est-ce que cela change quelque chose?
Je pense que les produits commerciaux vont pour la plupart disparaître pour être remplacé par de la location logiciel. Cela inclura le logiciel, le support technique, l'espace "disque" ou hosting, les évolutions...
Dans le monde du logiciel Immobilier cela devient la norme. Entre 80 et 150 Euros/mois pour votre logiciel...
16 De Nico - 10/12/2008, 12:23
"Le plus souvent sur le format de données et donc la difficulté que j'aurais à le quitter, sur le type de système d'exploitation que j'utilise, sur les services auxquels j'ai accès"
Attention avec ce genre de phrase, le logiciel proprio peut utiliser des formats de données libres, le logiciel libre peut avoir des formats de données libres mais difficilement quittables (format pourri, mal adapté, difficile à migrer car changement des besoins... ça peut arriver : un logiciel est génial, mais conçu d'une mauvaise façon, comme ça a été dit plus haut)...
17 De pfelelep - 10/12/2008, 13:11
http://www.glazman.org/weblog/dotcl...
citation hors contexte du glazblog:
"si un groupe de 5 asociaux à cheveux longs et t-shirts noirs sont capables de faire un produit presque équivalent à celui de la Grande Société qui me coûte bonbon, pourquoi devrais-je payer pour ses équipes pléthoriques, ses campagnes de pub et tout ?"
:D:D:D
('faudrait lui dire que mozilla propose AUSSI des T-shirts blancs.)
18 De Jim - 10/12/2008, 16:18
Bonjour,
Une petite réaction du Brésil.
Ici, il est lagement plus facile de trouver un CD piraté de Windows pour quelques centimes que de télécharger une distribution Linux ( connection Internet très chère pour un bande passante limitée).
Dans le commerce, un eeePC par exemple est moins cher avec Windows qu'avec Linux malgré un système de taxe sur les logiciels commerciaux importés ( et oui, Windows est très taxé ici). Un ordre d'idées un eeePC avec Windows vaut 1500,00 R$ équivalent à plus de 500 Euros.
Donc ici, c'est le prix de l'accès à l'informatique (matériel et logiciel) qui est élevé et le logiciel libre y a un cout plus important que le logiciel propretaire
19 De Hybrid Son Of Oxayotl - 10/12/2008, 17:35
«(je travaille sur mac, ça aide) mais très peu (voir aucun, mais je ne le jurerais pas) m'enferment dans un format complètement incompatible...»
iTunes, iWorks, iMovie, GarageBand, ...
Non ?
20 De olivier - 10/12/2008, 21:05
Non
iTunes reconnaît énormément de formats (pas autant que d'autres programmes, mais bien assez que pour pouvori changer de programme facilement), iWorks exporte en pdf et en doc (qui du coup est lisible avec OpenOffice), iMovie et GarageBand exportent dans le format que l'on souhaite (au pire, on sait convertir facilement juste derrière) par contre c'est vrai que leurs fichiers "de travail" sont propriétaires.
L'autre possibilité, c'est que je n'ai rien compris au problème. Pour moi, tant que je peux changer de programme sans trop de difficultés (c'est à dire qu'il y ai au moins un format de fichier commun aux deux programmes), je ne me considère pas enfermé dans un format propriétaire. Devrais-je?