Le titre n'est pas de moi, je ne fais que reprendre celui d'un article en anglais de Karl Weber publié chez Harvard Business Publishing (la maison d'édition de la célèbre université), Why Social Business Is Capitalism's Missing Link.
Extrait :
For most of us, business means one type of organization – the for-profit company that is the backbone of the free enterprise system. Ranging in size from a one-person corner store to a giant corporation like Wal-Mart, such companies recognize one fundamental purpose: to maximize profits. To be sure, they create other benefits along the way: they employ workers, provide useful goods, and pay taxes. But the bottom line is, precisely, the bottom line--the profits generated for owners and shareholders.
Classical economic theory recognizes no other type of business. In fact, it scarcely recognizes any other human motive. Traditional economics assumes, in effect, that people are money-making machines, devoted solely to personal profit.
But we all know this is an incomplete pictue of human nature. People are driven by the profit motive, of couse. But they are driven by many other forces as well. Among these are the desire to do good for others, to help the needy, to make the world a better place--in fact, to solve all the unsolved problems that challenge humanity around the world. Yet today's capitalism is powerless to act on these motives, because it makes no place for them.
The result is an enormous void in our social and economic systems--a void that social business aims to fill.
Traduction rapide par votre serviteur :
Pour la plupart d'entre nous, une entreprise fait penser à un seul genre d'organisation, celle de la société à but lucratif, qui est la colonne vertébrale de la liberté d'entreprendre. Variant de la société unipersonnelle à des géants comme Wal-Mart, de telles entreprises n'ont qu'un seul objectif : générer le plus de profit possible. Bien sûr, elle offrent d'autres avantages annexe. Elle emploient des travailleurs, fournissent des biens qui sont utiles et payent des impôts. Mais au final ce qui compte c'est juste la dernière ligne du bilan, c'est à dire les profits générés pour le compte des propriétaires et actionnaires.
L'économie classique ne connaît pas d'autre types d'entreprises. En fait, elle ne reconnaît pas non plus de motivations autres que celle de gagner de l'argent. Le système économique traditionnel suppose effectivement que les gens sont des machines à gagner de l'argent dont le seul objectif est le profit personnel.
Mais nous savons tous que ceci ne donne qu'une idée très partielle de la nature humaine. Les gens sont bien sûr motivés par l'argent qu'ils vont gagner. Mais ils sont motivés aussi par bien d'autres choses. Parmi celles-ci, le désir de faire le bien autour d'eux, d'aider ceux qui sont dans le besoin, d'améliorer un peu le monde. En fait, de résoudre tous les problèmes non résolus qui touchent l'humanité. Mais le capitalisme d'aujourd'hui est incapable d'interagir avec cette motivation parce qu'il ne leur laisse pas de place.
Le résultat, c'est qu'il y a un vide immense dans notre système social et économique, un vide que l'entreprise sociale vise à combler.
Karl Weber alors la démarche du micro-crédit (il a travaillé sur un livre avec le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus) et compte aller plus loin dans cette direction dans de futurs articles.
La raison pour laquelle je vous parle de cet article est double :
- D'une part, c'est un sujet qui me titille depuis longtemps, mais j'ai encore un peu de mal à trouver les mots et le temps pour expliquer tout ça. Alors tomber sur un article qui fait ça pour moi, c'est du temps de gagné .
- D'autre part - et c'est un peu un secret de polichinelle - Mozilla est ce que Weber appelle un social business . Je préfère pour ma part la notion "d'organisation hybride", c'est à dire une organisation qui a un produit qui existe au sein d'un marché (celui des navigateurs Web) mais qui n'agit pas en vue de générer un maximum de revenus pour ses actionnaires, mais plutôt pour le bien commun.
Connaissez vous d'autres "organisations hybrides" / social businesses ? Si oui, laissez vos exemples dans les commentaires ! (le premier auquel je pense, c'est Kiva.org.
Mise à jour : Dans la discussion enflammée qui a eu lieu dans les commentaires, je crois qu'il y a un problème fondamental, c'est qu'on semble croire que l'entreprise sociale ou hybride doit remplacer l'entreprise traditionnelle. Ca n'est pas du tout ni le message de Weber, ni le mien. Les deux sont complémentaires ! C'est un peu comme si on disait que les partisans du mariage homosexuel sont contre le mariage hétérosexuel (histoire de choisir un sujet moins polémique ).
60 réactions
1 De sonny - 12/11/2008, 02:32
Ton précédent billet: http://standblog.org/blog/post/2008... qui parle d'un article de Paul Graham "Be Good" et qui à été traduit par framablog: http://www.framablog.org/index.php/... .
2 De Jean Lançon - 12/11/2008, 03:01
Qu'on me permette d'exprimer que je trouve l'analyse de Weber un peu manichéenne et surtout simpliste.
Gagner de l'argent, même quand on souhaite en gagner le maximum, ce n'est pas (du moins dans la majorité des cas) par finalité d'amasser des liasses de billets. Mais dans le monde qui est le nôtre depuis que l'esclavage et autres formes d'abus ont été remplacés par un échange basé sur une valeur nommée "argent", ce dernier est le seul et véritable passeport vers une donnée essentielle : la liberté. Si la liberté n'est pas une valeur humaniste, il faudra que Weber nous dise quel degré d'importance il lui accorde.
L'argent permet à chacun d'être libre de faire ce qu'il veut (prendre des vacances, assurer l'avenir et/ou l'éducation de ses enfants), et aussi - il ne faudrait surtout pas l'oublier - de contribuer à un monde meilleur pour l'humanité. C'est semble-t-il davantage en vigueur aux Etats-Unis que chez nous, mais nombre de dirigeants de grandes entreprises consacrent une large partie de leurs fortunes à des oeuvres caritatives (cf. Bill Gates et sa Fondation, mais il est loin d'être un cas isolé).
Quant à la notion d'entreprise sociale, il me semble que par la création des emplois et l'acquittement des impôts, les entreprises sont autrement plus sociales que, par exemple, les réseaux de fonctionnaires ou les syndicats. Et après tout, en définitive, je vois mal comment une entreprise ne gagnant pas d'argent pourrait faire sainement évoluer l'intérêt collectif.
3 De Hugues - 12/11/2008, 07:42
Autre exemple d'entreprise sociale : http://www.zob-madagascar.org/ Zebu Overseas Board
@ Jean Lançon : Je ne peux m'empêcher de sourire en lisant un billet qualifiant de manichéenne et simpliste l'approche de Weber. Je veux bien croire que l'entreprise est parfois diabolisée en France et que les syndicats ou les réseaux de fonctionnaire ne défendent pas toujours l'intérêt général. Mais n'est ce pas manichéen et simpliste de laisser croire que ces faits sont vrais la plupart du temps ?
4 De CJ - 12/11/2008, 08:14
@Jean Lançon : « L'argent permet ... d'assurer l'avenir et/ou l'éducation de ses enfants »
Je ne suis pas sûr d'avoir envie de vivre dans une société dans laquelle l'éducation et l'avenir des enfants dépendent des revenus des parents... Certes cela se pratique aux États-Unis, cela est partiellement le cas en France, mais n'est-ce pas justement un phénomène contre lequel il faut lutter et où il reste une marge de progression énorme ?
5 De samuel - 12/11/2008, 08:16
www.ashoka.org
6 De bix - 12/11/2008, 08:41
L'économie sociale, qui a un autre but que le simple profit, existe depuis plus d'un siècle : ce sont les mutuelles, les coopératives. On distingue aussi l'économie solidaire, plutôt associative. Il me serait trop long de refaire toute la définition de l'économie dite "sociale et solidaire", mais je peux vous renvoyer vers une page qui explique ça mieux que moi : http://www.atelier-idf.org/economie...
7 De jeepy - 12/11/2008, 08:58
Bonjour Tristant !
Je vous recommande à ce propos ce livre qui devrait fort vous intéresser ! : Sortir de l'économisme
Voici la présentation de l'éditeur :
L'humanité entre dans une nouvelle ère. Depuis le néolithique, l'activité humaine s'est basée sur la domestication de l'énergie pour transformer la matière, donner naissance à l'agriculture puis l'industrie. Aujourd'hui, ce sont les immenses capacités de stockage et de circulation de l'information qui, par l'informatique, la robotique, le numérique, les biotechnologies et l'essor prodigieux des réseaux provoquent une mutation considérable. Ces transformations qui peuvent conduire à un développement inédit des relations humaines sont gâchées, retournées, perverties par un système néolibéral fondé sur la seule logique des intérêts financiers. Loin des rivalités médiocres dont le monde politique nous donne trop souvent le spectacle, cet ouvrage propose une alternative : sortir de l'économisme. Les contributions qui constituent ce livre s'organisent ainsi autour de quatre thèmes : celui de l'ère informationnelle dans laquelle entre l'humanité ; celui d'un nouveau regard que cette mutation nous invite à porter sur l'économie, la science, la culture, la façon de concevoir et de mesurer la richesse ; celui d'une économie plurielle organisée autour des fonctions essentielles que doit assumer toute société ; celui d'un monde solidaire car la logique de l'humain appelle coopération, remise en question du fonctionnement des institutions internationales, des rapports entre riches et pauvres, puissants et dominés afin de dessiner les contours d'une nouvelle gouvernance mondiale.
Et voilà un lien pour le commander (Disponible aussi en commande chez un libraire local)
http://www.amazon.fr/Sortir-l%C3%A9...
Mes amitiés
Jérôme
8 De jMax - 12/11/2008, 09:32
Loin de moi l'idée de vouloir lancer un gros troll poilu, mais je trouve que l'adéquation argent = liberté proposée par Jean Lançon est tout aussi simpliste (avec tout le respect que je lui dois, sans même le connaître). Un minimum d'argent est sans doute nécessaire pour accéder à une certaine liberté mais de là à établir un parallèle entre les deux... Non vraiment, cette assertion me paraît tout droit sortie du "Manuel du parfait petit libéral à l'usage des sceptiques et des utopistes en manque d'utopie".
D'ailleurs, dès lors qu'on ne s'appelle pas Florent Pagny ou Jacques Chirac, pour gagner beaucoup d'argent, il faut beaucoup travailler. Qu'en est-il alors des libertés de ces cadres sup' qui bossent 80h par semaine ?
9 De Alexandre - 12/11/2008, 09:34
petite correction (je crois) : assume -> suppose
10 De TomT - 12/11/2008, 09:41
Il existe en France le statut de SCOOP, principe de base : le capital est détenu par les salariés (même si l'objectif est de faire du chiffre in fine). Cette forme était très répandue chez les artisans, personnellement, je connais un bar qui a pris cette forme juridique en plus d'un positionnement équitable/bio.
Si je ne me trompe pas, la société qui édite les mini-jeux type "La Brute" suis également ce genre d'organisation (je mets de gros "si").
Bien entendu, il s'agit ici d'entreprise qui ont choisi d'être socialement responsables vis-à-vis de leurs salariés (je trouve que c'est déjà un bon début).
Sinon, pour ce qui est des grosses sociétés internationales, vilaines capitalistes tout ça tout ça, beaucoup d'entre elles entretiennent des fondations humanitaires, mécènes dans les domaines artistiques, est-ce que cela compte ?
11 De Jacques PYRAT - 12/11/2008, 09:41
Les Focolari ont développé le concept d'économie de communion.
Voir : http://www.edc-online.org/ et http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89...
12 De Eric - 12/11/2008, 10:01
D'accord avec Jean, une entreprise est d'abord faite pour générer du profit, ce qui ne signifie pas forcément enrichir indéfiniment son fondateur. Cette idée d'opposer entreprise et social m'a toujours un peu dérangé. Nombre de patrons vivent bien en-deça des moyens que leur permettrait leur fonction, je rencontre régulièrement des patrons de PME qui pourraient vivre comme des millionnaires mais qui ont choisi de mener une existence sans paillettes et de réinvestir un maximum dans le développement de leur boîte. Ces gens sont bien plus nombreux que ce que certains clichés pourraient le laisser penser, et ont une vraie fonction sociale et citoyenne : innovation, création d'emplois, de richesses, etc...
L'entreprise sociale telle que la décrit Karl Weber n'existe peut-être pas en temps que telle car il n'y a pas de statut correspondant, mais elle est une réalité. Après, si on veut vraiment monter une activité sans faire de profits, il y a les associations, les fondations, on peut aussi faire du mécénat, du caritatif, etc. Mais la notion "d'entreprise sociale" est un peu utopique, ou faux-cul : personne ne monte une boîte pour faire du social et enrichir... les autres. Mais personne ne dira non plus qu'il le fait d'abord pour s'enrichir personnellement.
Enfin rien n'est plus aléatoire que monter son business dans le seul but de faire fortune, les probabilités d'y arriver étant à peu près équivalentes à celles de gagner au loto...
13 De abcde - 12/11/2008, 10:02
@Jean Lançon: vous commettez quelques erreurs.
La première, c'est que l'argent, s'il permet une certaine liberté (quand on en a suffisamment !), est surtout une forme moderne d'esclavage. Beaucoup de gens ont des dépenses contraintes : logement, eau, électricité, nourriture de base, déplacements, impôts, etc... Ce qui atteint minimum 500€ par mois pour une personne célibataire (vivant chichement), et 1000€ pour un foyer.
Bref, si vous avez plus que ces sommes, vous êtes une personne (assez) libre. Sinon, vous êtes un esclave malgré vous. D'ailleurs, après l'abolition de l'esclavage au 19ème siècle, les contemporains l'avaient remarqué : les noirs n'étaient pas plus libres, parce qu'on avait remplacé une forme d'esclavage par une autre. Et même au 21ème siècle, nombre de nos voisins rament juste pour vivre. Il ne faut pas l'oublier.
Deuxième erreur : les "milliardaires philanthropes" aux USA. Non, ils ne le font pas par bonté d'âme, mais par optimisation fiscale. Et s'achètent aussi des lignes complaisantes dans la presse par la même occasion. Vanité, vanité...
Notons aussi que nombre de ces "fondations" servent plus ou moins directement les investissements financiers de leurs propriétaires. Au hasard : une fondation "pour promouvoir l'usage de l'informatique moderne dans les écoles du Tiers-Monde", créée par le patron d'une entreprise informatique...
Il y a tout un "Charity Business" aux USA. Certes, ça a l'air bien comme ça, mais je serais plus réservé sur ses véritables motivations et conséquences.
14 De Lomalarch - 12/11/2008, 10:15
Sur le danger du « for profit only », voir l’angoissant bouquin Psychopathes et Cie http://www.amazon.fr/Psychopathes-C... ou le film dérivé The Corporation (que je n’ai pas vu).
Jean Lançon, pourquoi faire un procès en manichéisme pour ensuite se précipiter dans l’angélisme ? On fait des profits (au besoin en écrasant tout sur notre passage) pour /après/ faire le bien, et, en tout cas, acquérir la liberté (qui gagnerait à être définie dans le contexte)… Donc les pauvres, hein, ils n’ont qu’à crever pour le bien de l’humanité et la liberté de l’élite ? J’ai un peu de mal O:-)
Pour répondre à la question de Tristan, ce qui me fait le plus penser aux organisations « hybrides », sans avoir de nom en particulier en tête, c’est en France le système des SCOP http://fr.wikipedia.org/wiki/SCOP qui permet, a minima, un partage équitable des profits engrangés – ce qui signifie de mon point de vue une moindre recherche du profit maximal à court terme et permet potentiellement une activité orientée vers quelque chose de largement plus « social ».
15 De Gunter - 12/11/2008, 10:18
Je trouve cette vision très occidentale. Au Japon, l'entreprise a une fonction sociale forte et la dernière ligne du bilan n'est pas une priorité pour les patrons japonais.
16 De Fakir - 12/11/2008, 10:31
> Connaissez vous d'autres "organisations hybrides" / social businesses ?
> Si oui, laissez vos exemples dans les commentaires ! (le premier auquel je pense, c'est Kiva.org.
>
Je ne sais si cela correspond à ta demande, mais je pense en tout premier lieux aux SCOP (cf http://fr.wikipedia.org/wiki/SCOP)
Comme le formule si bien Wikipedia voici les grands principes de la doctrine coopérative :
@Jean Lançon
> Mais dans le monde qui est le nôtre depuis que l'esclavage et autres formes d'abus ont été
> remplacés par un échange basé sur une valeur nommée "argent", ce dernier est le seul et
> véritable passeport vers une donnée essentielle : la liberté. Si la liberté n'est pas une valeur
> humaniste, il faudra que Weber nous dise quel degré d'importance il lui accorde.
>
Depuis ... remplacé par un échange basé sur une valeur nommée "argent" ?!
Oui en France, en Europe et dans d'autres pays démocratiques où les dérives et les contraventions sont susceptibles de poursuites judiciaires. Mais que dire des travailleurs étrangers - en provenance de nombreux pays asiatiques pour la plupart qui vont travailler dans certaines principautés et autres royautés de la péninsule arabique.
Et que dire des centaines de milliers de Mi-cong (travailleurs en provenance des campagnes chinoises) qui attendent vainement leurS salaireS... sans que leurs employeurs aient de compte à rendre. Certes il n'y a pas de volonté dans le cas présent du gouvernement chinois de passer outre la législation qu'il a lui même imposé, mais la complicité des autorités locales dans ce type d'abus - mais surtout leur nombre et leur impunité - mettent à mal cette notion de liberté, ne crois-tu pas ?
> L'argent permet à chacun d'être libre de faire ce qu'il veut...
>
Cette somme d'argent qui dans bien des cas et dans bien des pays ne permet pas de subvenir aux besoins essentiels (nouriture, santé, éducation, retraite) ?! Mais de quoi parles tu ? Tu ignores ou feints d'ignorer les millions de travailleurs pauvres que comptent les USA et la GB pour ne citer que ces 2 exemples de démocraties libérales ?
Quand à ta diatribe sur les fonctionnaires ... c'est inutile d'en parler
17 De abns - 12/11/2008, 10:31
"Et après tout, en définitive, je vois mal comment une entreprise ne gagnant pas d'argent pourrait faire sainement évoluer l'intérêt collectif."
Ce n'est pas le propos de l'article.
Il ne s'agit pas de ne pas gagner d'argent, mais d'avoir une autre finalité. Il ne faut pas confondre le but à atteindre et les moyens.
Allume ta télé, écoute la radio, lis les journaux, ou, pire, lis les publications des chambres de commerces et autres syndicats patronaux : le discours officiel est bel et bien devenu "La raison d'être d'une entreprise, c'est de faire du profit". Autrement dit, l'entreprise n'existe que pour dégager du bénéfice, que pour redistribuer aux actionnaires, que pour grossir. Qu'une entreprise cherche à dégager du bénéfice, ce n'est certes pas nouveau, mais que ce soit devenu officiellement son seul et unique objectif, ça, c'est assez récent.
Les mots utilisés ont un sens, ils sont souvent le reflet d'une réalité concrète : le métier d'entrepreneur (celui qui entreprend, qui "commence à faire une chose") a disparu en laissant la place à celui de chef d'entreprise (celui qui dirige l'entreprise, ce qui a déjà évacué la notion d'objectif au profit de celle de gestion), qui s'estompe lui même au fur et à mesure que le terme de dirigeant (celui qui dirige, ce coup là on fait même disparaître la référence à l'entreprise) s'impose.
Regarde les profils des "dirigeants" des 100 premières entreprises françaises : combien de profils "productifs", combien de "commerciaux", combien de "financiers" ? Sauf erreur, il ne doit plus rester que 2 ou 3 entreprises familiales encore dirigées par des anciens ouvriers/ingénieurs/..., peut être une petite dizaine par des commerciaux, la très très grande majorité est aujourd'hui gérée par des gens ayant une formation purement financière. La seule chose qui compte, comme le dit l'article, c'est la dernière ligne du bilan. Pas la qualité des produits, pas la satisfaction des clients, pas la qualité de vie des employés.
Si vendre un produit de plus mauvaise qualité rapporte plus d'argent, alors on fait des produits de plus mauvaise qualité. Si essorer le personnel, quitte à finir par fonctionner en grande partie avec de l'intérim parce que seuls les gens aux abois acceptent encore de travailler dans ces conditions, rapporte encore plus, alors on essore.
On commence à entendre quelques "capitalistes" déplorer que le capitalisme financier ait pris le pas sur le capitalisme industriel, ça peut sembler assez risible, mais c'est effectivement une profonde transformation de la société : on ne créé plus des entreprises pour "faire quelque chose", mais pour "gagner de l'argent".
Mais "faire quelque chose" n'a jamais interdit de gagner de l'argent ! L'erreur est de penser que la raison d'être d'une entreprise est de faire du profit : sa vraie raison d'être, c'est de créer, d'inventer, d'améliorer, de satisfaire, de développer. Équilibrer les comptes à terme est une condition de survie, faire du profit un outil permettant d'investir quand le besoin s'en fait sentir.
Aujourd'hui, ça n'étonne plus personne de voir des entreprises abandonner leur métier historique pour faire totalement autre chose, au gré des évolutions et des crises. Des marchands de laine qui deviennent des grandes surfaces ne vendant même pas de pelotes, des fabricants de vêtements qui deviennent des vendeurs de fichiers, parce que l'activité est plus rentable. Ca semble normal, et pourtant, l'idée aurait été profondément choquante pour une entrepreneur du début du siècle. On ne fabrique pas des voitures, des yaourts ou des navigateurs web "parce que le créneau est porteur et que ça marge beaucoup", mais parce qu'on a envie de fabriquer des voitures, des yaourts ou des navigateurs, et on fera tout pour pouvoir le faire le plus longtemps possible, ce qui sous-entends au moins de ne pas perdre d'argent, au mieux de pouvoir en plus en vivre (très) confortablement.
On a une assez bonne analogie avec l'univers sportif : tout le monde critique l'orientation trop "commerciale" des Jeux Olympiques, et arguant que le sport, c'est avant tout le dépassement de soi, la solidarité, l'exploit, et en vérité à peu près tout et n'importe quoi, tout, sauf la recherche du profit. Mais c'est oublier un peu vite qu'il n'y a objectivement aucune raison que la même chose ne soit pas vrai pour l'entreprise. Un coureur de 100m qui court pour le record, pour se dépasser, pour prouver quelque chose, pour repousser les limites sera t-il forcément moins bon que celui qui court pour la prime offerte au vainqueur ? Rien n'est moins sur, et on peut même sérieusement envisager le contraire. Et pourtant, son sport est son métier, ses revenus dépendent de ses résultats. Le monde entier serait choqué si on apprenait qu'un sportif avait "monnayé" la médaille d'or en acceptant de lever le pied pour laisser gagner son concurrent contre rétribution. Ca ne choque pourtant absolument personne dans le monde de l'entreprise.
Essaye d'expliquer à un français comment les grandes équipes sportives US peuvent déménager parce qu'une ville propose plus d'argent. Imaginerait-on possible ici de voir l'OM prendre ses valises et ses ballons pour aller s'installer à Brest, si Brest proposer d'augmenter les bénéfices du club ? Et on ne parle pourtant pas d'amateurs, mais bien de professionnels, de gens dont c'est le métier et qui gagnent leur vie par ce moyen. L'idée est choquante, parce qu'on considère qu'il existe autre chose, un petit plus, un élément qui se situe au delà du salaire, du bénéfice, de la rentabilité économique d'un club. Depuis quand ceci n'existe plus quand on parle d'entreprise ?
Et pour finir, un petit exemple vécu : rien que sur mon créneau, il ne se passe pas une semaine sans que je ne croise, sur un forum ou sur un autre, un "collègue" patron de cybercafé, prestataire informatique ou formateur qui ne vienne expliquer que, respectivement, les hotspots wifi en libre accès, les petits neveux qui dépannent l'ordinateur de mamie ou les voisins qui expliquent comment envoyer des mails devraient être interdits, pourchassés, taxés, parce que leur activité bénévole et occasionnelle vient en concurrence de leur entreprise, et génère ainsi du manque à gagner. On croise tous les jours des gens qui ont choisi comme métier d'expliquer le bon usage de l'ordinateur au plus grand nombre, et qui s'indignent que d'autres prennent sur leur temps libre pour faire la même chose gracieusement auprès de leurs connaissances. Des gens qui créent des entreprises dont la raison d'être est de permettre à ceux qui n'ont pas de connexion d'accéder à internet, et qui ne supportent pas l'idée que ces mêmes personnes puissent aussi bénéficier de l'ouverture amicale du wifi de leurs voisins.
Je ne peux pas m'empêcher de me demander à chaque fois si ces gens aiment vraiment leur métier, s'ils croient vraiment dans ce qu'ils font, bref, simplement, s'ils sont vraiment des entrepreneurs : des gens qui "font quelque chose". J'ai bien peur qu'ils ne soient que des gens qui veulent "faire de la marge", gagner le plus possible avec le moins d'efforts possible. Des gens qui vendront demain des nouilles, des voitures ou des chaussures, pas parce qu'ils aiment ça, pas parce qu'ils veulent faire avancer le monde, pas parce qu'ils veulent aller quelque part, mais simplement parce que l'activité est encore plus rentable.
Et il me semble difficile de considérer comme génératrice de libertés une société où il est devenu normal et banal de pousser quelqu'un à changer de métier, pas parce qu'il le fait mal, qu'il n'est utile à personne ou qu'il gagne mal sa vie, mais simplement parce que l'autre métier permettrait d'encore mieux vivre. C'est une pression sociale qui ne valorise qu'un seul des multiples indicateurs de réalisation de soi et d'utilité sociale, et qui ne me semble pas être la meilleure définition de la liberté...
18 De Alexis - 12/11/2008, 10:54
Je suis assez d'accord avec Jean.
J'ajouterai que nombre de PME ne cherchent pas absolument à générer le plus d'argent possible. Elles emploient des gens et leur permettent de vivre. Dans ces sociétés le patron n'est pas forcément l'ennemie juré des employés... et parfois même il est tout le contraire.
De mon point de vue, le problème dans notre économie vient plus de la distance qui sépare les actionnaires des réalités de l'entreprise.
19 De Mem's - 12/11/2008, 11:29
@Jean Lançon : "L'argent permet ... de contribuer à un monde meilleur pour l'humanité." Je ne crois pas ... l'argent, valeur d'échange est plus utilisé pour la vente d'armes, la spéculation financière sur les matières premières alimentaires ... que pour l'aides au pays en voie de développement.
Le problème dans le monde actuel c'est la possibilité (et surtout l'abus) de pouvoir gagner beaucoup d'argent sur le dos des autres (comme certains grand patrons). Même si cela donne plus de liberté (pouvoir d'achat ...) cela est contradictoire avec la définition de la liberté « La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres ».
20 De Kaisse - 12/11/2008, 11:40
@Jean Lançon: je n'ai pas lu l'article de Weber mais dans la citation, ce ne sont pas les personnes qui sont accusées d'empiler des liasses des billets, mais les entreprises dans le modèle de la théorie économique classique, ce qui décrit assez bien leur comportement dans la réalité. Après, ça n'empêche pas les individus au sein de l'entreprise, du salarié au patron en passant par les actionnaires, d'utiliser leur argent aux fins louables que vous évoquez (liberté, charité et autres). Je me permettrais juste d'ajouter que si l'argent peut être un bon outil dans ces comportements vertueux, il n'est pas toujours nécessaire et il est rarement suffisant.
@Tristan: désolé je ne connais pas d'autres organisations hybrides. Concernant ton futur billet, pourras-tu expliquer les avantages, inconvénients et particularités de ce sytème hybride. En gros, quelles sont les raisons qui font que Mozilla évolue dans le système économique classique plutôt qu'en marge ? Est-ce que cette démarche est satisfaisante, nécessaire ? En quoi permet-elle ou limite-t-elle la tâche de Mozilla ("promouvoir le choix et l'innovation sur internet") ?
21 De Dalai-Lama - 12/11/2008, 11:43
Je penses qu'une SCOP peut être considéré comme un social businesses.
Motion Twin en est un bon exemple, et voici un post explicatif :
http://www.motion-twin.com/blog/ent...
22 De matubu - 12/11/2008, 12:00
L'économie sociale existe et regroupe déjà des milliers d'entreprises appartenant aux salariés et/ou sociétaires : coopératives, mutuelles, etc. Elle dispose même de chambres régionales (Rhône-Alpes par exemple : http://www.cress-rhone-alpes.org/cr...) et elle existe depuis des décennies.
23 De Romain - 12/11/2008, 12:16
Salut Tristan,
Je profite de cette question pour partager une réflexion qui me taraude également depuis quelques temps.
On parle beaucoup en ces temps de crise énergétique de véhicules à énergie électrique ou à énergie renouvelable.
Or on en arrive me semble-t-il au triste constat qu'alors que des moyens technologiques existent aujourd'hui pour inventer des modèles de véhicules performants et peu polluants, les avancées dans ce domaine sont bloquées car contraires aux intérêts capitalistes des lobbies en place, à savoir notamment l'industrie automobile et l'industrie pétrolière. Comment expliquer autrement l'immobilisme de nos dirigeants en la matière, que par la trop étroite intrication des milieux politiques et de ces acteurs économiques très puissants ? (je caricature là ? Pas tant que ça, je ne crois pas).
Tout cela pour en venir à une idée : est-ce que ce véhicule du futur, que tout le monde attend depuis 40 ans, et pour lequel le marché semble prêt, ne pourrait être conçu au sein d'une "organisation hybride" que tu évoques et notamment sur le modèle des logiciels libres ?
Ne pourrait-on imaginer un projet collaboratif mondial pour la conception d'un prototype libre de droit ? De la même façon que pour Linux, des entreprises de pièces détachées pourraient alors venir se greffer au modèle pour fournir des matériaux et des services aux particuliers afin qu'il puissent monter leur propre véhicule (que j'imagine un peu comme la dedeuch de l'époque, populaire et facilement modulable ). Cette saine concurrence permettrait par la même occasion de casser les coûts des matériaux, les constructeurs jouant actuellement sur l'absence de concurrence sur leurs modèles propriétaires pour facturer à des prix abusifs les pièces détachées.
Je ne connais rien à l'automobile, mais il me semble qu'un tel projet relèverait de l'intérêt général et mondial. Quelqu'un sait-il si un tel projet existe à l'heure actuelle ?
24 De François Granger - 12/11/2008, 12:43
Voici une référence à propos de micro crédits : http://benoit.granger.micfin.eu/
25 De AlekSee - 12/11/2008, 12:56
Bonjour,
Voilà une forme d'entreprenariat qui devrait vous intéresser : le Capital Altruiste.
http://www.capital-altruiste.org/fr...
C'est une initiative très sérieuse et concrète d'entreprenariat social.
26 De cedric - 12/11/2008, 13:04
l'entreprise n'est pas idillique et pas percue comme tellle
http://victimeotravail.skyrock.com/
http://www.rue89.com/hoax/2008/11/0...
un site tout en flash, bien lourd , ce qui devrait plaire a Tristan
http://www.jevoteauxprudhommes.com/
27 De FLR - 12/11/2008, 13:14
La définition de l'entreprise qui est donné par Weber dans son article correspond, à mon sens et au risque de paraitre carricatural, à la définition de l'entreprise anglo-saxonne dont le but final est très simple : Make money.
Je pense que cette vision de l'entreprise n'est pas universelle et qu'il existe, nottamment en Europe, des visions alternative.
Si le profit est nécessaire à la survie de l'entreprise (investissement, dévellopement, etc.) il n'est pas son unique finalité.
Le premier exemple qui me vient à l'esprit est modèle de la cogestion à l'Allemande : Les salariés ont des représentant au conseil de surveillance et participent ainsi à la gestion de l'entreprise et à ses décisions stratégiques. Leurs intérêts sont ainsi représenté et défendus au plus haut niveau.
D'une manière générale et, la aussi caricaturale, les entreprises d'europe continentale n'ont pas comme unique préoccupation les stockholder (actionnaires). En tout cas pour l'instant. Je pense qu'elles prennent également en compte les stakeholders (parties prenantes : salariés, collectivité locales, clients, fournisseurs, etc.). Il y a une dimension sociale de l'entreprise plus forte qu' USA ou au RU.
En france la notion d'abus de bien social peut illustrer cet état d'esprit ; même avec la bénédiction des actionnaires, les dirigeants ne peuvent pas tout faire. Exemple fréquent : Même si le dirigeant est le seul actionnaire, il ne peut pas confondre son patrimoine et celui de son entreprise. Il y a une responsabilité sociale.
Il existe également des statuts comme la SCOP (http://fr.wikipedia.org/wiki/Scop) qui mettent les profits loin de leurs priorités.
Pour élargir le débat, il est extremement intéressant de noter que malgré ses nombreuses tentative, l'Europe n'a jamais réussi a accoucher d'un statut de société européenne commun. Les définitions de l'entreprise et de ses roles sont tellement différentes d'un pays à l'autre qu'il a été impossible jusqu'a maintenant d'harmoniser ce point.
Je pense également qu'une des raisons du désamour des français pour les entreprises réside en grande partie dans le fait qu'en France on déjà incapable de bien les définir. La tendance anglo-saxonne au 100% profit gagne du terrain mais la dimension sociale résiste malgré tout. La frontière est floue et changeante d'une entreprise à une autre
28 De Thierry - 12/11/2008, 13:40
C'est de ça que tu veux parler http://fr.wikipedia.org/wiki/Econom... ?
29 De Greg Teppic - 12/11/2008, 14:54
@Jean lançon : Il me semble que vous allez un peu vite dans votre association de l'argent et de la liberté. On peut en avoir et ne pas être libre et, au contraire, on peut être libre sans argent.
D'autre part, à propos de votre dernière phrase -sans, la remettre en cause, même s'il me semble qu'il faudrait le faire- il me semble que ce n'est pas l'objet du billet. Il n'est pas question de ne pas gagner d'argent, mais de ne pas poser l'obtention d'argent comme un but en soi. A mon humble avis, ça fait toute la différence.
Agir pour le bien des autres me parait être plus positif en soi pour "faire sainement évoluer l'intérêt collectif" que de chercher à amasser des biens.
Ceci posé, je laisse à d'autres plus avisés, le loisir de vous répondre plus sur le fond.
30 De nbc - 12/11/2008, 15:18
Ne serait-ce pas une évolution du tiers secteur et/ou du secteur associatif ou au moins un élargissement du champ d'activité ?
Le secteur associatif a d'abord proposé des « produits » de première nécessite (soupe populaire, aide aux migrands, ...) puis des services d'accompagnement aux personnes agées, de garde d'enfants et on arrive maintenant à des produits évolués comme des navigateurs
Cette évolution, si tant est qu'elle ne soit pas que dans ma vision, pourrait presque ressembler à la pyramide de Maslow : passage de produits liés à la survie à des produits de commodité.
@Jean Lançon
> Et après tout, en définitive, je vois mal comment une entreprise ne gagnant pas d'argent pourrait faire sainement évoluer l'intérêt collectif.
Je ne vois pas en quoi la maximisation du profit irait forcément de pair avec l'intérêt collectif. Il me semble avoir vu récemment pas mal d'entreprises dont le but était uniquement de faire de l'argent à court terme sans se préoccuper des retombées sur la société et l'intérêt collectif.
31 De Edouard Klein - 12/11/2008, 15:24
Je trouve au contraire l'analyse de Weber très pertinente. S'il est vrai que la volonté du fondateur d'une entreprise n'est pas (toujours) de s'en mettre plein les poches, le modèle économique de l'entreprise est bel et bien une entité dont l'unique but et d'amasser de l'argent.
Que Billou donne des sous à des oeuvres plus ou moins valables n'est pas pour moi preuve de philantropie, dans la mesure où il ne peut humainement dépenser ce qu'il possède déjà, je ne vois pas de quoi il se prive. Mais surtout cela ne remet pas en cause le modèle de sa société : amasser de l'argent en écrasant la concurrence, par tous les moyens.
Le vide en terme de modèle s'est fait sentir à moi lors d'un exercice de création d'entreprise. Nous avons décidé dans mon groupe de lancer une toute petite entreprise, qui viendrait conseiller, former et dépanner les petits vieux à domicile en ce qui concerne leur informatique personnelle. Machines peu puissantes (donc peu couteuses) et logiciel libre au programme.
Les enseignants présents ont eu beaucoup de mal à comprendre l'intérêt d'une telle démarche, "peu rémunératrice" et "coûteuse en temps de travail". "Si ça n'existe pas déjà, c'est qu'il y a une raison". Le travail de cette entreprise est presque celui d'une association, à ceci près que le format entreprise permet de faire vivre ceux qui travaillent.
Il est certain que nous n'arriverons pas premiers, pourtant nous sommes à mon avis loin d'être les plus inutiles. Les critères sont juste ceux du modèle économique, incomplet, que dévoile Karl Weber : $$$.
Ce manque est perceptible jusque chez le grand public. Avez vous déjà essayé de conseiller la lecture ce blog, en expliquant qu'il est écrit par un _salarié_ de _mozilla_ ?
32 De Nicolas - 12/11/2008, 15:27
Pour moi l'argent est simplement un moyen pour simplifier l'échange de travail.
L'entreprise actuelle est une machine à produire de l'argent avec de l'argent en entrée et de l'argent en sortie. Le solde doit être positif et à 2 chiffres. Tout autre modèle est exclus. (cela sera toujours plus rentable de mettre son argent ailleurs, on est loin des "industriels" d'autre fois).
L'argent est seulement un moyen, c'est quand il devient une fois en soi que c'est problématique.
Concernant les "entreprise sociale", je rappelle la loi française sur les associations qui empiètent sur le domaine concurrentiel : 60% d'impôts. C'est le cas par exemple pour une asso humanitaire qui ferait dans le tourisme pour remplir ses caisses. C'est de la concurrence déloyale.
Cela ressemble un peu aux détracteurs des logiciels libres qui disent que les auteurs de logiciel libre payé par l'état (prof, chercheur) leur font de la concurrence déloyale au lieu de dire qu'il augmente les biens communs.
33 De Nap - 12/11/2008, 15:34
Excellent article.
Une toute petite remarque : "chaînon manquant" sonne mieux que "lien manquant", je trouve
34 De kuira - 12/11/2008, 17:44
si je peux me permettre un exemple concret de finalité d'une entreprise
la compagnie CITGO possède aux usa plusieurs puits, raffineries, et plusieurs dizaines de milliers de pompes à essence...
cette entreprise appartient depuis longtemps à l'état vénézuélien mais jusqu'à il y à encore quatre ans elle ne produisait que des pertes comptables et ne rapportait rien au pays meme si quelques uns s'en mettaient plein les poches
aujourd'hui l'état y a remis un peu d'ordre et non seulement elle rapporte de l'argent pour les plans sociaux du venezuela mais elle fournit du fioul à de nombreuses communautés pauvres aux usa même qui payent leur chauffage 40 % moins cher.
autrement, creusez le lien de bix (commentaire 6), faut pas inventer l'eau tiède, l'économie sociale existe depuis longtemps et concerne un bon pourcentage de l'économie française financièrement parlant et quelques millions d'emplois...
cette discussion pour humaniser le capitalisme vient à point : la crise vient à peine de commencer ...
il fautdra bien trouver des solutions tous ensemble
http://www.lemonde.fr/la-crise-fina...
35 De Tristan - 12/11/2008, 18:36
Je dois dire que ce matin (heure de Californie) quand je me suis connecté à ma console de modération des commentaires et que j'y ai vu
27 commentaires en attente
, je me suis dit que j'avais du dire une grosse bêtise. Bah non, c'est Jean Lançon qui s'y est collé .Je voudrais remercier Jean Lançon pour deux raisons :
1 - il a apporté la controverse (encore que le sujet lui-même est une controverse) et ça a permis la discussion
2 - il l'a fait poliment.
C'est la conjonction de cette politesse argumentée et la différence d'opinion qui permet cela. Merci Jean !
36 De Jean Lançon - 12/11/2008, 19:12
Moui enfin Tristan, je pense qu'il est beaucoup plus facile de faire du prêchi-prêcha sur l'entreprise sociale quand on évolue au sein d'une association qui rémunère ses dirigeants avec des salaires à 6 chiffres...
37 De gunt - 12/11/2008, 20:49
Dommage que son livre Social Business and the Future of Capitalism ne soit pas diffusé gratuitement comme c'est le cas pour certain eBook.
38 De Hugues - 12/11/2008, 23:02
@ Romain
Pour la voiture innovante voir : http://www.theoscarproject.org/
Pour ma part, je serai plus radical en remettant en cause le concept de voiture personnelle. Les solutions de partage de voiture me semblent une bonne piste.
@ Jean Lançon
Votre attaque sur les salaires de Mozilla est à double tranchant. Il y a beaucoup de défenseurs du libre ne tirant aucun bénéfice monétaire. Et puis n'est-ce pas non plus les personnes tirant le plus partie du système libéral qui le défendent ?
39 De Tristan - 12/11/2008, 23:12
@Jean Lançon. Vous n'aurez pas fait illusion longtemps, finalement. Dommage.
Sachez que la grande majorité des employés de Mozilla, dirigeants y compris (et peut-être même encore plus) pourraient gagner beaucoup plus d'argent s'ils allaient bosser ailleurs. Certains n'ont d'ailleurs par résisté, par exemple Ben Goodger (parti chez Google sur Chrome) et Blake Ross (parti chez Facebook), ou encore David Hyatt (parti chez Apple sur Safari) ou encore notre VP Engineering Schrep, parti lui aussi chez Facebook. Tous ont été attiré par ces tickets de loterie qu'on appelle "stock options", qui ressemblent de plus en plus à des emprunts russes actuellement. Dans une organisation hybride, parce qu'on a un produit qui est sur un marché, vos concurrents non hybrides sont aussi capables de de débaucher vos employés, ce qui implique qu'on leur offre une rémunération correcte, à défaut d'être vraiment concurrentielle.
Je constate que la capacité de Mozilla de jouer sur des plans idéalistes (aider la société) tout en étant aussi sur un plan pragmatique (faire tourner une organisation, faire un produit concurrentiel) est quelque chose qui n'est effectivement pas facile à comprendre... C'est normal, nombreux sont ceux qui ont été formatés pendant des décennies par l'approche de l'économie traditionnelle. Vous en faites sûrement partie... et moi aussi. Sauf que j'essaye de réfléchir sur ce sujet, de sortir de mon carcan mental, plutôt que le défendre de façon irrationnelle. Relisez donc L'ignorance est un bienfait ! ! Oserez-vous sortir du confort de votre carcan idéologique ?
40 De François Granger - 12/11/2008, 23:32
A propos de l'entreprise et de sa seul finalité de "faire de l'argen", voir aussi ça : http://fr.wikipedia.org/wiki/SCOP
41 De François Granger - 12/11/2008, 23:42
Mr Jean Lançon aime bien mettre les pieds dans le plat. C'est pas très bien élevé de faire des attaques ad hominem quand on est aussi bien accueilli qu'ici.
42 De Jean Lançon - 13/11/2008, 00:14
Je n'ai pas cherché à faire illusion le moins du monde. Et je ne suis pas libéral, mais libertarien. Et j'en suis fier. Simplement j'ai du mal à comprendre - je le redis bien : du mal à comprendre, et en aucun cas l'intention de juger -, qu'une poignée de dirigeants et développers "platinum" soient rémunérés (avec de généreuses libéralités) au sein de Mozilla, tandis que personne ne semble avoir eu l'idée de reverser aux contributeurs "d'en-bas" ne serait qu'un infime pourcentage des excédents. Et ce même s'ils sont bénévoles, et en supposant qu'ils le soient de véritable bon gré (je suppose que oui, sinon ils quitteraient le navire).
L'entreprise sociale, ça devrait aussi être ça. Une entreprise capable de faire un geste, symbolique mais efficace, envers les plus "défavorisés" de ses contributeurs. Parce que ces personnes, ce sont aussi elles qui ont fait de Mozilla le supposé meilleur navigateur de tous les temps.
Quand Apple lance une gamme de notebooks recyclables à 99,99%, c'est aussi une entreprise sociale, soucieuse au-delà des bénéfices de faire quelque chose de posifit pour l'humanité.
43 De Dominique De Vito - 13/11/2008, 08:42
(1) Karl Weber démarre avec ses grosses ficelles. Il ne connait pas tellement la nuance avec sa phrase "L'économie classique ne connaît pas d'autre types d'entreprises". Il fait un peu dans le lourd.
Comme le dit si bien FLR plus haut, Karl a bien une vision américano-américaine :
"
La définition de l'entreprise qui est donné par Weber dans son article correspond, à mon sens et au risque de paraitre caricatural, à la définition de l'entreprise anglo-saxonne dont le but final est très simple : Make money.
Je pense que cette vision de l'entreprise n'est pas universelle et qu'il existe, notamment en Europe, des visions alternative.
"
(2) soyons réalistes, avant même de faire du social, les entreprises, ou plutôt les managers paresseux feraient mieux d'abord de prendre soin de leur écosystème et de leurs sous-traitants.
Les grosses entreprises, les soit-disant fleurons de notre pays, EADS, Renault, Peugeot... pressurent leurs fournisseurs en demandant des prix tjrs plus bas. Et pour autant que je sache, jouent qques fois les Ponce Pilate sans chercher à savoir comment cette réduction tarifaire est réalisée. Est-ce que certains managers ont prévu que si les fournisseurs partent dans des pays étrangers, une partie de la connaissance technique va passer à l'étranger et que si, un certain seuil est franchi, non seulement ils vont développer les composants, mais aussi les assembler ? Je ne pense pas que certains managers ont le sens de l'écosystème. Ils réduisent les couts à court-terme (tactique d'optimisation locale), mais je doute qu'ils aient pensé aux couts et aux conséquences à plus long-terme (stratégie d'optimisation globale).
Que les choses soient claires : je ne suis pas contre l'émergence des pays étrangers, mais malheureusement, une telle pratique managériale s'inscrit souvent dans le cadre d'autres pratiques qui se révèlent à long-terme anti-sociales (devinez qui trinquent à la fin !?), d'autres pratiques comme une faible R&D, un faible investissement, histoire d'améliorer le bilan court-terme (cf. les pratiques de Thierry Breton pour les différentes entreprises qu'il a dirigé).
Récemment, j'ai entendu la PDG de Framatome qui annoncait la création d'un fonds d'investissement pour aider ses PME-fournisseurs face aux banques qui ne leur prêtaient plus d'argent (du fait de la crise). Tiens, c'est bien la première fois que j'entends parler d'une telle mesure intelligente...
(3) les américains sont décidément super forts, ils nous vendent leurs merdes et une fois que l'on est bien intoxiqué, ils nous vendent notre propre solution, la solution que l'on a abandonné en écoutant leurs sirènes.
Ces dernières années, ils nous ont scandé leurs mantras, comme le fait d'avoir 15% de rentabilité (et plus largement, soigner les actionnaires) ou le fait de développer un business avec une ligne claire (et si possible unique).
A chaque fois, il y a des gogos qui prennent cela au pied de la lettre et qui se font avoir, pour le bénéfice de ceux qui ont lancé ces idées.
Pb du 15% de rentabilité (impossible dans une économie qui croit à près de 3% seulement)
=> Victime = Danone
- Danone, la grenouille cherchant se transformer en boeuf, s'est fait quoter sur le marché américain, pour plaire aux fameux actionnaires et ses actions sont devenues, pour le coup, plus volatiles (le cours n'était plus figé et cela plait aux actionnaires). Le focus était mis sur les actionnaires. Résultat : cela s'est retourné ensuite contre cette entreprise qui est passée pas loin de subir une OPA.
Pb de la logique business unique
=> Victime = Alcatel
- Alcatel-Alstom qui, pour que les investisseurs aient une vision claire de son coeur de métier, s'est recentrée sur le coeur du coeur des marchés télécom. Résultat : presque toutes ses spin-off, presque toutes les filiales dont Alcatel-Alstom s'est séparée, se sont révélées être des entreprises florissantes tandis que Alcatel coule, subissant de plein front le pb du marché des télécoms, sa seule assise, alors que Siemens, fort de l'envergure de son assise, assise dont disposait jadis Alcatel-Alstom, se sort mieux de la crise.
Cela apprendra aux gogos qui, en se remettant uniquement dans les mains du marché, se livrent aux financiers en folie. On dirait qques fois que l'on donne le baton pour se faire battre.
Les USA font souvent l'apologie d'une certaine doctrine économique qui est principalement là pour les servir. Pas fous.
Ils préchent la dérégulation des marchés pour que les pays extérieurs adoptent cette approche et se fassent ensuite balayer par leurs multinationales qui se sont d'abord aiguisées les crocs sur le marché national.
Ils préchent, par ex, le respect des brevets, alors que, aux débuts de leur histoire, ils n'ont clairement pas reconnu les brevets de l'ancien monde pour se débarrasser des entraves qui génaient leur dynamique initiale. Ils sont très forts pour défendre leurs intérêts et pour précher ce qui les arranger.
Mais exit les USA et revenons aux derniers mantras économiques de ces dernières années.
Prenons un autre exemple, la course à la rentabilité, à la productivité, que l'on nous a vanté, pousse vers une plus grande division du travail pour mieux l'optimiser et pousse vers l'outsourcing. Mais cela mène à une facturation plus compliquée, à des réunions accrues pour être que l'on parle de la même chose, à des déplacements plus nombreux et couteux...
De fait, cela ne fonctionne pas tout le temps car une entreprise n'est pas que fondée sur le capital.
Les gens ont besoin de se connaitre, de se faire confiance, et de ne pas être trop stressés pour pouvoir travailler au mieux ensemble.
Le canadien Henry Mintzberg - http://fr.wikipedia.org/wiki/Mintzb... - a l'air d'être sur une longueur d'ondes similaire avec l'article suivant :
How Productivity Killed American Enterprise
http://www.henrymintzberg.com/pdf/p...
Extraits : "Macro-Managing by Deeming - It was as if a dark cloud had descended over corporate Americ, separating those involved with what companies really did - designin, producing, sellinn - from those who controlled them, and were not so involved. ... Never before had there been so much hype about leadership, and never before had there been less evidence of it."
Oh, ces pratiques pour plaire aux analystes financiers sont allés très loin avec Enron comme figure de proue. Pour dissimuler un endettement croissant, les dirigeants d'Enron ont organisé une double comptabilité dans laquelle pertes et dettes disparaissaient via des sociétés hors bilan.
En 1998, Enron a fait visiter aux analystes financiers, impressionnés, une salle de trading qui semblait fonctionner comme il faut. Ils auraient étonné d'apprendre qu'il s'agissait d'un décor créé de toutes pièces en 3 semaines et à grand renfort de dollars. Tout était bidon : les systèmes de données ultrasophistiqués, les appels de soi-disant clients, les transactions... Même les traders, qui étaient les secrétaires des bureaux voisins embauchées comme figurantes !
J'ai connu une entreprise où l'on pouvait aller chercher un logiciel dont j'avais besoin au bout du couloir, auprès de qqu'un qui était connu de tous.
Et j'ai connu aussi une autre entreprise où l'on ne savait jamais qui était vraiment responsable de la boite à CD. Et où est-ce qu'elle était.
Et j'ai aussi une entreprise si bien remodelée que des services, dans un même batiment, qui avaient l'habitude de travailler ensemble ne savait même plus comment ils pouvaient faire pour se facturer après le remodelage.
Je vous laisse devine quelle était l'entreprise la plus performante...
(4) Maintenant, Karl Weber nous sort son pensum social. Certes, on ne peut qu'aplaudir.
Winston Churchill disait que les américains finissent par adopter la bonne solution, après avoir essayé toutes les mauvaises
Mais son tropisme américano-américain (cf. le point de vue de FLR) me donne un peu l'impression, comme dit plus haut, que les américains essayent de nous revendre notre propre solution qu'ils nous ont poussé (et pas forcément réussi) à abandonner.
Drole de situation, hein !
(5) Ce qui m'amène à penser que l'on a peut être un trop fort tropisme américain (que voulez-vous le dollar est encore la monnaie de référence).
Je pense que l'on oublie notre force, sous la pression d'autrui (cf. Danonce ou Alcatel plus haut).
La thèse que j'ai tendance à défendre (et que je n'ai pas encore très bien formalisée), c'est qu'en adoptant les méthodes américaines (disons certaines méthodes publiquement vantées par ceux qui dictent le bon gout du marché), on se fait la plupart du temps doublement couillonner.
(a) on n'arrive pas tjrs à adopter les bonnes idées, les bons comportements soit-disant vantés, ou plutôt, on adopte une caricature du comportement vanté par le management et auquel les employés ne croient pas tjrs.
(b) et on perd ce qui faisait en partie notre force et notre cohésion.
De fait, j'apprécie que Stallman rappelle que notre devise "liberté, fraternité, égalité" se marrie bien avec les logiciels libres.
Au moins, cela nous réveille un petit peu et peut nous faire penser que tout ne vient pas d'outre-Atlantique et que notre modèle sociétale a aussi ses propres forces.
(6) Allez, encore un petit effort, Karl, et tu regarderas ailleurs ce qui se passe.
Du reste, connait-il vraiment ce qui se passe dans son pays ? Si les USA n'ont pas, par ex, la même politique culture étatique que la France, globalement, les USA bénéficient d'un bon maillage culturel, semblable ai-je entendu, sur France Inter, au maillage culturel francais du fait des initiatives individuelles ou locales. Je ne suis pas sur que ces initiatives culturelles, qui sont bien américaines, aient uniquement le nez sur le profit comme Karl l'indique...
Et peut-être même arriveras-tu, Karl, à dire comment Warren Buffet que « Le système des impôts a complètement dévié en faveur des riches aux dépens des classes moyennes au cours des 10 dernières années. C'est dramatique. » ou que si « Quelqu'un s'assoit à l'ombre aujourd'hui parce que quelqu'un d'autre a planté un arbre il y a longtemps. »
C'est dur que penser autrement dans un pays où des dirigeants ont traité Linux de communisme et la licence GNU GPL de cancer.
PS : cela ne m'empêche pas de penser inversement que la France a quand même quelques lecons économiques à prendre du coté des USA.
44 De Jean Lançon - 13/11/2008, 09:42
@ François Granger > La meilleure façon de dire qu'on n'a pas d'arguments, c'est de clamer que l'autre a proféré des attaques. Or ce n'était pas une attaque, tout juste une remise des pendules à l'heure. Si Tristan & Co veulent remplir une mission sociale, qu'ils le fassent, personne - et surtout pas moi - ne le leur reprochera. Mais qu'ils le fassent de façon juste, équitable et cohérente. Et s'ils n'ont pas envie d'être justes, équitables et cohérents, qu'ils aient au moins la décence de ne pas nous livrer des messages moralisateurs.
45 De Sébastien - 13/11/2008, 10:00
C'est amusant de voir comme le débat a glissé vers des notions générales entreprise/argent/liberté. Pour ma part, il me semble que le modèle de l'OpenSource ne s'applique qu'à l'informatique, sauf si bien entendu, une révolution planétaire amène mon voisin à donner tous les fruits de son jardin, tandis que moi je rempaillerai des chaises pour tout le village...
Tout d'abord, à mon sens, le "ne pas vouloir gagner d'argent" est un leurre dangereux. On peut ainsi croire que les Facebook, Google, LinkedIn, NetVibes "offrent" des services pour "ne pas gagner d'argent" ? On peut croire que tout est gratuit sur Internet ? Que les programmes se modifient et s'améliorent tout seul ? L'OpenSource est en passe d'être récupéré aujourd'hui par de nombreuses entreprises, qui, pas plus bêtes que les autres, voient cela comme un "business model". Il faut juste bien calculer. Après, on entend des dirigeants de ces sociétés très généreuses calculer qu'avec 1000 développeurs bénévoles dont (texto) "100 à temps plein", une société fondée sur le modèle classique ne peut pas lutter. Si l'on effectue un rapide bilan, on obtient alors une entreprise d'une vingtaine de personnes, bien rémunérées, qui utilisent littéralement ces 1000 personnes. Finalement, on retombe dans un modèle peu réjouissant.
Alors certes, en tant qu'utilisateurs, on profite tous des ces produits qui évoluent très vite, souvent très bien et constituent aujourd'hui la locomotive de l'innovation. Mais le modèle est bancal, et ne constitue pas une réalité.
Aujourd'hui, à ce qu'il me semble Mozilla n'existe pas dans la dimension qu'elle a parce qu'elle regroupe un petit groupe de bénévoles sympathiques, mais bien en majeure partie parce qu'elle dispose d'un gros chèque de Google, qui lui permet de payer les organisateurs de son développement. Qu'après, des milliers de contributeurs de part le monde fassent le produit, c'est certain, mais un programme de cet envergure ne peut être envisagé que par un noyau financé.
Et aujourd'hui, seuls ceux qui ont les "moyens" de contribuer aux OpenSource le font. Ce que je veux signifier par là, c'est que seul l'argent (de vos parents qui vous ont payé un ordinateur, ou bien du salaire que vous touchez déjà) donne la liberté de pouvoir participer à un OpenSource.
Alors en bilan, je ne crache pas dans la soupe, (je contribue aussi, et j'utilise des opensource aussi, bien entendu), mais, avec toute la sympathie que j'ai pour M. Nitot, j'aimerais juste contrebalancer son optimisme et son enthousiasme naturels. J'aimerais vraiment beaucoup qu'il dise vrai, mais pour moi le modèle est juste en train de se troubler, et je préfère garder un oeil critique.
46 De Jean Lançon - 13/11/2008, 16:55
Merci Sébastien (#45), vous avez fort bien expliqué ce que je pensais aussi, mais vous l'avez fait infiniment mieux que moi.
47 De Nicolas - 13/11/2008, 17:04
@Sébastien
"C'est amusant de voir comme le débat a glissé vers des notions générales entreprise/argent/liberté. Pour ma part, il me semble que le modèle de l'OpenSource ne s'applique qu'à l'informatique, sauf si bien entendu, une révolution planétaire amène mon voisin à donner tous les fruits de son jardin, tandis que moi je rempaillerai des chaises pour tout le village..."
Le modèle peut s'appliquer à tout ce que l'on appelle la propriété intellectuel. C'est large et cela prend un place de plus en plus grande dans l'économie. Les fameux bien non excluables expliquer dans un autre post. cf wikipedia, les licences creative common, l'open hardware, etc...
Concernant "l'utilisation"de main-d'œuvre gratuite, les gens ne sont pas stupides. Il ont toujours un intérêt à donner leur travail: faire partie d'une aventure, augmenter leur employabilité, aider son prochain (wikipedia?), se former. Parfois aussi, c'est le seul paiement qu'un logiciel libre demande: remettre au pot commun les modifications.
C'est très différent de certain site "web 2.0" qui demande la participation du publique sans préciser la licence des textes produits. C'est là où les licences ont leur importance. Est-ce une licence qui nous fait "donner" le texte au site en question ou est-ce qu'il s'agit d'une licence qui permet à tout le monde d'utiliser/reutiliser le travail (licence libre) ?
Quand quelqu'un contribue à Firefox il code pour lui et augmente le pot commun universel. Quelqu'un code en .net, il code pour lui et augmente les bénéfices de Microsoft.
48 De Tristan - 13/11/2008, 18:30
@Sebastien qui écrit "le modèle de l'OpenSource ne s'applique qu'à l'informatique, sauf si bien entendu, une révolution planétaire amène mon voisin à donner tous les fruits de son jardin, tandis que moi je rempaillerai des chaises pour tout le village".
Justement, le modèle de l'open source s'applique à bien d'autres choses. Le premier exemple auquel je pense est Wikipedia, mais plus largement tout ce qui touche à l'information, car elle se duplique à cout presque nul. C'est exactement pour ça que j'ai commencé cette rubrique Economie. Lisez donc L'économie des idées et L'économie des biens matériels. Bien sûr, ça n'est qu'un début d'explication, mais je ne suis qu'au début de ma réflexion. J'ai plein d'autres choses à dire sur ce sujet. Ca vient .
Par ailleurs, le propos développé par Weber, certes imparfait, ça n'est pas tant qu'il n'y a pas besoin d'argent, mais juste que l'entreprise a pour fonction première de gagner de l'argent pour le compte de ses actionnaires. Alors que des organisations comme Mozilla, Grameen Bank et assimilables ont une autre mission première non-commerciale. Le besoin d'argent est réel (évidemment), mais il est au service d'une mission, pas d'un actionnaire. C'est ce qu'on appelle, chez Mozilla "Mission-driven".
49 De Jean Lançon - 13/11/2008, 18:47
Merci Tristan d'avoir un peu clarifié, mais j'ai quand même des interrogations.
Notamment vous dites : "Alors que des organisations comme Mozilla, Grameen Bank et assimilables ont une autre mission première non-commerciale."
OK, mais concernant précisément Mozilla, qui certes ne vend rien (il n'y a donc effectivement pas d'activité "commerciale" au sens strict du terme), la Fondation reçoit quand même de gros revenus de Google. Et je ne vous crois pas naïf au point de vous imaginer que Google verse ces sommes sans y trouver, directement ou indirectement, à plus ou moins long terme, son compte.
Qui plus est, plus la part de marché de Firefox sera importante, plus il y a à parier que la subvention de Google sera importante aussi.
Ce qui fait de la Fondation Mozilla une entreprise commerciale. Indirectement, mais commerciale quand même. Et ce n'est absolument pas une tare. Le tout est de l'assumer. Je pense que la Fondation Mozilla a tout à gagner à ce que ses dirigeants et autres ambassadeurs tiennent un discours clair.
50 De Tristan - 13/11/2008, 19:21
@Jean Lançon (commentaire 49) : merci de revenir avec un ton qui permet le dialogue. Evitons l'agressivité, elle m'empêche de dialoguer sereinement. (cf les commentaires à propos de LinuxFR en ce moment même).
Reprenons votre conclusion qui est que Mozilla est une entreprise commerciale : vous écrivez "la Fondation Mozilla une entreprise commerciale. Indirectement, mais commerciale quand même.".
Je crois que c'est le coeur de ce que j'essaye de vous expliquer. Je reprends ce que j'ai écrit *après* ma traduction de la prose de Weber :
> Mozilla est (une...) "organisation hybride", c'est à dire une organisation qui a un produit qui existe au sein d'un marché (celui des navigateurs Web) mais qui n'agit pas en vue de générer un maximum de revenus pour ses actionnaires, mais plutôt pour le bien commun.
Hybride. C'est le mot qui compte. Mi-société (au sens traditionnel du terme), mi organisation à but non-lucratif :
C'est ça que Weber essaye d'expliquer, avec ses mots à lui, dans son contexte à lui (il est américain et s'adresse à des américains), qui n'est pas forcément adapté au contexte des lecteurs du Standblog (en plus du fait qu'un billet de blog, c'est forcément cours, c'est encore pire quand je n'en prends qu'un extrait et que je le traduit à la va-vite).
Je m'arrête là pour l'instant, on continue la discussion dans les commentaires ? Vos questions (non trollesques) sont les bienvenues. (je pense par exemple à la relation avec Google, et le fait qu'une société ne gagnant pas d'argent ne peut pas faire avancer le monde).
51 De - - 13/11/2008, 20:26
Ca fait plaisir de voir des gens lucides. C'est vrai que quand on voit ce que font nombre de boîtes, à savoir "on vous donne de l'argent pour le boulot que vous faites, mais ne comptez pas sur nous pour la moindre reconnaissance ni votre épanouissement" il y a de quoi sérieusement s'inquiéter.
Les SSII sont à ce niveau un véritable fléau.
Bon point quand même: il semble qu'aux USA les entreprises qui résistent le mieux à la crise sont celles qui cherchent vraiment l'épanouissement de leur personnel. Source : lemonde.fr, il y a deux mois de ça.
"-".
52 De Jean Lançon - 13/11/2008, 21:20
Tristan, si vous me permettez de faire un demi-pas en avant : j'ai bien compris que les revenus de Mozilla proviennent essentiellement de Google (et on pourrait y ajouter, mais c'est une infime proportion, les donations volontaires et les produits dérivés style tee-shirts etc.).
Je ne remets pas davantage en cause le fait que cela se fasse pour le bien collectif. Effectivement, Firefox fait bouger les lignes du marché du navigateur, et si demain je voulais en faire un produit "customisé", dans le respect des licences je serais en droit et en possibilité de le faire, ce qui, là encore d'accord, n'est possible ni avec IE, ni avec Safari, ni avec Opera. (concernant IE, personnellement je m'en tamponne un peu, vu que j'attends d'un jour à l'autre mon nouveau MacBook pour un switch cette fois définitif)
Seulement il y a un léger grain de sable dans la mécanique : votre force de propagation, c'est Google qui la paie (à 99% ou à peu près). Donc le bien commun qui est la mission de Mozilla, c'est Google qui le "sponsorise". Donc si demain le bonheur planétaire est dû à Google, que sera-t-il possible ensuite de lui refuser ?
Je veux dire par là que nous n'avons jamais voulu d'un Internet 100% Microsoft, et que je crois que personne ne veut davantage d'un Internet 100% Google.
Donc je disais, je me suis placé un demi-pas en avant par rapport à la discussion, mais cette question me brûle vraiment les lèvres ? N'êtes-vous pas, peut-être sans en avoir pris pleinement conscience, en train de contribuer à installer le futur monopole de Google ?
Ceci n'est pas un troll. C'est une question directe, car je préfère les questions qui vont droit au but. S'il faut poser des questions en demi-teinte pour des réponses en quart de teinte, ça ne m'intéresse pas.
53 De Tristan - 13/11/2008, 22:28
@ Jean Lançon (commentaire #52) :
Je dois dire que Google est un excellent partenaire : l'argent de ce partenariat nous permet de faire Firefox, Thunderbird, de constituer le fond de réserve, et d'assurer la pérennité du projet. Mais l'expérience du monde des affaires démontre que les partenariats ne sont pas éternels (sans blague ?) et ne durent que dans la mesure où les objectifs des deux partenaires sont alignés (encore une évidence), même si celui avec Google vient renouvelé pour une durée de 3 ans.
Bref tout ça pour dire que non, je ne pense pas que l'existence de Firefox dépende de Google.
54 De Jean Lançon - 13/11/2008, 23:42
Merci Tristan pour ces informations. Assez content de voir que Mozilla reste globalement indépendant de Google.
Juste une remarque (qui n'est ni une question ni une controverse, mais porte sur un détail) : un fonds de réserve c'est l'affectation de recettes (cumulées d'un exercice à l'autre, ou non). Ce fonds de réserve ne peut pas exister sans qu'il y ait eu recettes. Donc pour que tout le monde comprenne bien, ne pas confondre les recettes (Google, tee-shirts, donations, etc.), et leurs affectations (fonds de réserve, charges courantes, investissements, etc.).
En clair, arithmétiquement, sans recettes d'un montant au minimum équivalent, il n'y aurait pas de fonds de réserve.
55 De Tristan - 14/11/2008, 03:20
@Jean Lançon (#54) : oui, c'est certain : une partie significative du chiffre d'affaire de Mozilla est affectée au fond de réserve, qui assure la pérennité et l'indépendance du projet sur le long terme.
56 De abns - 14/11/2008, 14:44
@ Jean Lançon (54) :
"Ce fonds de réserve ne peut pas exister sans qu'il y ait eu recettes. Donc pour que tout le monde comprenne bien, ne pas confondre les recettes (Google, tee-shirts, donations, etc.), et leurs affectations (fonds de réserve, charges courantes, investissements, etc.).
En clair, arithmétiquement, sans recettes d'un montant au minimum équivalent, il n'y aurait pas de fonds de réserve."
En précisant bien que, dans une fondation, le fond de réserve est censé s'auto-génerer. Une fois le fond créé (par les dons, vente, etc, comme vous l'avez dit), l'objectif est de ne plus avoir besoin de nouveaux apports, les intérêts du placement de ce fond étant censés couvrir et les dépenses de fonctionnement, et, si besoin, l'augmentation du fond.
Et comme le disait Tristan juste avant, le fond de Mozilla est censé approcher de la "masse critique" qui lui permettrait, le cas échéant, de ne plus avoir besoin de personne.
57 De Loran - 15/11/2008, 10:52
Bonjour à tous,
Tristan un bel exemple de société hybride est enercoop.
Sa structure est "sociale" et ses objectifs sont purement liés à la protection de l'envirronement.
Concernant le fond de la discussion, la meilleure facon de tenir compte de l'intérêt général est la démocratie ("Le pire des systèmes à l'exception de tous les autres").
Et avec la démocratie vient la régulation. La régulation n'est en rien une atteinte à la liberté, c'est la protection des plus faibles (y compris de leur liberté).
Quant au role des bonnes oeuvres, ca fait surtout du bien à ceux qui se sentent bons... Pour le reste, il faut regarder les chiffres, et les réalités, ca ne résoud rien.
58 De JM - 15/11/2008, 11:59
Tout ces commentaires me laissent penser que la vraie question qui se pose derrière ce billet se situe plus dans le registre de la Philosophie que dans celui de l'Économie. La vraie question me semble être : quelle doit être la finalité de l'argent ? Et la réponse ne doit pas être matérielle voire matérialiste, et donc économique. La réponse doit s'intéresser à l'Humanité dans sa globalité parce que l'argent est devenu le support de l'Humanité toute entière, la crise financière actuelle l'a bien montré.
Donc pour répondre il faudrait s'intéresser au pourquoi de l'argent, pourquoi ou comment on l'a créé, quel est son but ou lequel devrait-il être, qu'en est-il en pratique, comment modifie-t-il les relations humaines, quelles sont ses dérives, et par extension à quoi sert la croissance économique, quel devrait être son but, quelle est sa signification réelle, etc. Ceci amènera nécessairement d'autres questions : pourquoi amasser des richesses, peut-on tous être riches, la croissance économique infinie a-t-elle un sens, quel est le rôle de la concurrence dans le désir de croissance et d'enrichissement, la mondialisation joue-t-elle un rôle dans ce désir, pourquoi vouloir absolument prendre les clients de ses concurrents, le partage est-il possible dans l'Économie, sous quelle forme, l'individualisme est-il une Valeur pour l'Humanité, etc.
J'aurais tendance à penser que ce qui manque à l'Économie, c'est la dimension Philosophie. L'Économie régit l'Humanité mais ne semble pas se poser les questions qu'il faut sur son objectif ultime, elle paraît aussi individualiste que nos Sociétés occidentales. C'est peut-être pour cela qu'il y a peu d'entreprises sociales ou encore que l'écart entre riches et pauvres augmente avec le PIB… (cf. http://blog.acampado.net/post/2008/...)
« Essai sur une Philosophie de l'Économie », sujet du prochain billet de la rubrique Économie ?
59 De Benoit Granger - 15/11/2008, 17:17
Tristan,
Ce que vous décrivez se trouve, en grande partie, dans le statut du coopérative, comme cela a été écrit à plusieurs reprises.
Mais il y a d'autres analyses possibles, à propos de profit :
- si on se contente de ne pas redistribuer le profit, on fait une différence de, allez, entre 2 et 10% (=le bénéf) par rapport à une société commerciale traditionnelle (=avec actionnaires exigeant le retour sur investissements)
- c'est le concept de Yunus sur le Social enterprise : un peu limité !
- en revanche "l'hybridation" dont vous parlez peut porter aussi sur la production : des fonctions de l'entreprise payées par d'autres.
- c'est la cas pour la finance sociale (et/ou solidaire) ; qui trouve une partie de ses ressources chez des actionnaires moins exigeants (=épargne solidaire)
voir des exemples concrets du coté de Finansol
http://www.finansol.org/
voir aussi capital risque solidaire
http://www.autonomieetsolidarite.fr...
voir chez les preteurs : La NEF, bientôt banque coopérative européenne
http://www.lanef.com/
voir en Europe du Nord le Social banking : une dizaine de banques, surtout en Europe du Nord, branchées sur environnement, durable, etc
http://www.social-banking.org/
voir les investisseurs dans le social economy
http://www.inaise.org/FR/fr_1.html
et enfin les banques "alternatives" et éthiques
http://www.febea.org/
la plupart de ces organisations sympathisent avec les concepts des logiciels libres et sont des "entreprises sociales", yc avec le flou du concept.
Si vous voulez rencontrer tout ce beau monde sur un projet concret, c'est quand vous voulez !
60 De DamienB - 15/11/2008, 23:23
Bonsoir à tous,
J'ai plaisir à vous conseiller un livre qui ne parle pas d'entreprise sociale mais d'entreprise humaine ou humaniste ou la direction est au service de l'entreprise et non pas l'inverse. Quelques unes existent et cet ouvrage relate un passage de l'existence de l'une d'entre elle :
"Oser la confiance - Propos sur l'engagement des dirigeants" aux éditions Insep Consulting.
On y découvre que le sens, l'engagement des acteurs de l'entreprise est un sujet complexe qui touche à notre histoire identitaire, nos peurs inconscientes, notre place dans la société, le contexte de l'entreprise, son environnement, son époque et le tout replacé dans un continuum temporel .... et ne peut se résumer qu'au simple choix entre ce qui est bien et ce qui est mal.
Passez tous une belle semaine.
Damien B