"Toute peine mérite salaire !" entend on souvent chez les opposants au logiciel Libre, qui laissent entendre que les contributeurs non-rémunérés se font arnaquer par les organisations qui mènent des projets Libres.
Je pense que ce genre d'affirmation et d'argument méritent d'être contrés. D'une part, et c'est variable suivant les projets, il y a des contributeurs payés par leur employeur pour travailler sur des projets Libres. C'est par exemple le cas de Gandi.net, qui emploie Olivier Meunier en tant que principal développeur de DotClear. Cela leur permet d'offrir Gandi Blog (probablement la meilleure offre payante du marché à mon sens). Mais au départ, qu'est-ce qui a poussé Olivier à faire DotClear ? Il faudrait lui demander, mais je ne pense pas rêveler un secret en disant qu'il voulait un outil de bonne qualité pour publier un blog, et qu'il n'en a trouvé aucun qui correspondait à ses besoins. Sur son temps libre, il a donc commencé à écrire DotClear. Pour lui.
Il en est de même pour ceux qui signalent ou corrigent des bogues dans Firefox : certains le font pour s'amuser, d'autres parce qu'ils ont bien compris que ça permettrait d'avoir un meilleur navigateur à terme. Tous ces gens ont un comportement égoïste, dans le bon sens du terme : ils s'y retrouvent quand ils contribuent. Bien sûr, il n'est pas question d'argent ici. Ils sont en quelque sorte payés "en nature", que ce soit en retirant du plaisir de cette "transaction" qui n'est pas financière, ou en bénéficiant d'un meilleur logiciel.
Bien sûr, de nombreuses entreprises payent des employés pour qu'ils contribuent à un projet Libre. Lire à ce sujet qui a écrit la version 2.6.20 du Kernel Linux ?
Il y a des tas de domaines où des transactions non-marchandes se font dans la vie de tous les jours. Il y a dans le monde rural américain une tradition du Barn Raising, où les paysans d'un village aident à construire une grange pour un nouveau venu, gratuitement, ayant bénéficié de la même faveur par le passé. Cette mutualisation des efforts existe aussi dans le monde en ligne, sous le même nom.
Aussi, si on trolle sur le sujet en lançant que les Libristes sont des escrocs (ou se font escroquer), sous prétexte que "toute peine mérite salaire", alors vous pourrez rétorquer que "charité bien ordonnée commence par soi même" : si quelqu'un participe à un projet Libre, c'est qu'il y trouve son compte, même si c'est sous une forme non-marchande, en tant que plaisir de s'adonner à un passe temps, considération, réputation, fierté d'avoir fait quelque chose d'utile, intérêt d'avoir un logiciel de meilleure qualité, parce que son patron lui a demandé, ou tout simplement parce que c'était la chose juste...
Mise à jour : j'ouvre les commentaires sur ce sujet. David a déjà une idée sur la question. Je crois qu'il est difficile d'expliquer exactement pourquoi chacun contribue, car c'est un mélange de facteurs. Mais ce qui est certain, c'est que chacun y trouve son compte, même si justement, ce "compte" ne peut pas toujours s'exprimer sous forme d'espèces sonnantes et trébuchantes, donc facilement quantifiable. Mais qu'importe ! Je ne crois pas que les choses importantes dans la vie sont quantifiables :
- Ma petite Philippine qui dort quand je viens l'embrasser le soir,
- Robin qui m'impressionne avec son savoir,
- le sourire complice de Bénédicte,
- Les retrouvailles avec ma famille après une période sans se voir,
- Une promenade en moto par une belle journée,
- Une belle lumière sur un paysage, capturée par mon appareil photo,
- Le plaisir de faire un barbecue pour mes amis au bord de la mer, leurs rires que j'entends de loin, alors que les maquereaux cuisent...
... tout cela, comme dit la pub, est priceless. Ca n'a pas de prix. Et c'est très bien comme ça.
36 réactions
1 De Merome - 16/05/2007, 18:47
Et c'est là où je trouve que les logiciels libres rejoignent la défense de l'environnement : prendre son vélo plutôt que la voiture pour les petits trajets, amener ses enfants à l'école à pied, acheter bio, local, de saison, ... Tout cela ne fait pas gagner d'argent directement, parfois même, ça revient un poil plus cher. Mais en qualité de vie, en santé, en convivialité, cela n'a rien à voir.
La croissance économique, c'est un concept suranné. Il faut le dire !
2 De Cédric - 16/05/2007, 19:49
Le logiciel libre, ça n'a pas de prix; pour tout le reste, il y a Mastercard
3 De Alain Ré - 16/05/2007, 22:26
Non, non… Toute PEINE mérite salaire ! La peine, ce n'est pas le plaisir ni le travail : ce n'est pas « tout TRAVAIL mérite salaire » ou « tout PLAISIR mérite salaire ».
Je suis désolé, si je dois faire faire quelque chose qui me fait chi***er (la peine) : soit on me donne quelque chose (le salaire) ou soit je ne le fait pas.
4 De MiKE - 16/05/2007, 22:35
" Sans l'appui de l'égoïsme, l'animal humain ne se serait jamais développé. L'égoïsme est la liane après laquelle les hommes se sont hissés hors des marais croupissants pour sortir de la jungle" . Blaise Cendrars
5 De inkboy - 16/05/2007, 22:52
Hello !
Dans l'esprit du logiciel libre, tout le monde profite des améliorations apportées, pour un produit d'excellente qualité au final. Mais pour moi il est important d'affirmer encore et encore que OUI, toute peine mérite salaire, car peu à peu des dérives du système se propagent.
Je suis infographiste freelance, et je n'ai jamais rechigné à travailler bénévolement ou très peu payé pour des projets qui me tiennent à coeur (affiches pour mon club de sport, faire part, etc...) Un investissement de la sorte est toujours gratifiant. Mais de plus en plus, le système dérive vers un "donne moi quelque chose, pour le plaisir de travailler". Le système est corrompu, et désormais nombreuses sont les personnes qui EXIGENT un service, ça devient carrément du démarchage actif (sous couvert de crowdsourcing, très à la mode décidément).
Je reçois de nombreux messages de gens qui veulent que je leur fasse un site internet (souvent complet et en flash) ou une affiche pour un festival, et qui en échange proposent... de mettre mon logo sur leur page d'accueil, ou "de me faire de la pub". Un jour quelqu'un à conclu son mail par "et demandez-vous quelque chose en échange ?". Bien souvent ces gens précisent que ce sont "des associations à but non lucratifs" ou des particuliers avec peu de moyens, et pourtant ils veulent un maximum, clefs en main.
Méfions nous donc du "faux esprit open source" ou le seul bénéficiaire est le client ou le demandeur, car l'essence du logiciel libre et de la collaboration n'est pas là. Je tenais à faire cette mise au point, car de nombreux graphistes débutants se laissent prendre dans les filets de gens sans scrupules qui misent sur leur bonne volonté, sur l'air de "allez, ça vous fait plaisir, et ça étoffera votre book" et qui finalement enrichissent des gens sans rien recevoir en échange. (exemple: designer un site, ou des visuels de t-shirts, ou des logos vendus au rabais, les arnaques ne manquent pas)
J'ai donc fait un bond quand j'ai vu dans mon agrégateur le titre de ce billet qui reprend mot pour mot les justifications bidons des profiteurs en herbe, pour finalement être soulagé à la lecture du billet. c'est pour ça que j'insiste et que je re formulerai le titre:
Pourquoi il est VRAI que toute peine mérite salaire
Et d'expliquer ensuite (comme c'est très bien fait dans ce billet) que salaire n'est pas forcement égal à argent sonnant et trébuchant, mais que vous devez TOUJOURS être sûr de trouver votre compte dans un salaire ou une collaboration (en l'occurrence avoir un logiciel qui réponds parfaitement à vos besoins, et pour cause, vous avez contribué à sa réalisation)
Préservons l'esprit du logiciel libre, en mettant en avant les bonnes volontés SPONTANEES (comme c'est le cas actuellement) !
6 De Jean Lançon - 16/05/2007, 22:55
Arrêtons de les opposer !
Tristan vient de se fendre d'un billet sur son blog, intitulé : Pourquoi il est faux de dire que toute peine mérite salaire. Bien entendu, ce billet a pour vocation de nous rappeler les mille et une vertus du logiciel...
7 De thibault - 16/05/2007, 23:12
Cet article me fait penser à une citation d'Alfred Capus :
"Un égoïsme intelligent conduirait l'homme aux plus hautes vertus"
Tellement bien résumé
8 De Jacques PYRAT - 16/05/2007, 23:53
Sur la motivation personnelle, j'ai pour ma part un critère très simple : tout acte obéit généralement à une motivation altruiste (celle qu'on dit aux autres) et une motivation égoïste (celle qu'on ne dit pas naturellement). Et si ces 2 motivations entrent en confli, alors, il y aura un jour ou l'autre un problème.
9 De Florent V. - 17/05/2007, 00:16
Bonjour,
Je profite de cette occasion pour signaler une réflexion transversale (par moi-même, pour tout dire) : Faut-il rémunérer la création culturelle et artistique ?
http://www.covertprestige.info/faut...
La problématique de la rémunération pour la création culturelle et artistique me semble encore plus trouble que la confrontation du « tout travail mérite salaire » à l'écosystème du logiciel libre. Tout simplement parce qu'il existe, comme épine dorsale dudit écosystème, une économie de services au modèle clairement déterminé. Pour la culture libre, ou plus généralement la libre diffusion des œuvres (à propos, je signale aussi, au cas où : http://www.covertprestige.info/la-l... … article à retrouver également dans la tribune libre de Framasoft), c'est beaucoup moins net.
La libre diffusion des œuvres culturelles (et en particulier musicales, mais pas que…) s'inscrit dans un contexte où bon nombre d'artistes – la très grande majorité – ne sont pas rémunérés à la hauteur du temps consacré à leur art (même en prenant le SMIC comme référence), voire pas rémunérés du tout. Il existe une quantité incroyable (et qu'il serait intéressant de pouvoir quantifier !) de création sans rémunération, motivée par une envie ou un besoin personnel, voire (souvent à la marge) par un espoir irréaliste de « percer ».
Dans « La condition littéraire », Bernard Lahire montre que, sur une population d'écrivains ayant publié à compte d'éditeur (et donc ayant été choisis par des professionnels du livre pour être publiés), la très grande majorité ne gagne rien, pas grand chose, ou pas assez grâce aux droits d'auteur. Les écrivains rémunérés au sens du dicton (c'est à dire : au moins à la hauteur de leur travail) existent, mais constituent la frange haute de cette population.
Si on regarde du côté de la musique (à laquelle je m'intéresse un peu en tant que membre actif de l'association Musique Libre), et en particulier du côté de la SACEM : là aussi, seule une frange d'artistes touche une rémunération conséquente. 3000 sociétaires qui touchent l'équivalent d'un SMIC mensuel, 9000 autres qui touchent entre 1000 et 10000 euros par an… pour 110 000 sociétaires de la SACEM ! Quand la Sacem proclame « le droit d'auteur, c'est le salaire de l'artiste », c'est tout de même se fiche un peu de la gueule du monde, hein.
Enfin bref, je n'en rajoute pas. Je voulais juste signaler qu'il est intéressant de creuser cette piste transversale.
10 De Thibaut - 17/05/2007, 00:20
Je trouve tout de même dommage d'avoir à argumenter par l'égoisme pour défendre le libre. Doit-on considérer la générosité comme une tare ?
11 De Bruno - 17/05/2007, 01:44
Et c'est la même chose pour tout ce qui touche au volontariat, dans une association ou ailleurs. Et l'acte de donner lui-même a une valeur toute spéciale pour celui qui l'accomplit, pour le sentiment, justement, de donner, et la satisfaction que ça procure.
C'est pour ça que j'aime faire des cadeaux—pour ma gueule.
12 De Ronan - 17/05/2007, 09:47
Voilà une vision simple... voire simpliste !
C'est une belle solution de management : "tu fais du super boulot, mais comme tu y prends du plaisir, je ne t'augmente pas : tu ne peux pas être payé 2 fois pour un même travail". Ca peut marcher. Par contre, ça coince dans l'autre sens : si on ne prend qu'un faible plaisir à travailler, on peut prétendre à une rémunération supérieure ?
Plus sérieusement, je crois que la question est abordé dans ce post sous un angle biaisé. La problématique est plutôt : est-ce que le paradigme présenté au contributeur correspond à la réalité ?
Est-ce qu'un contributeur qui consacre du temps pour développer un monde plus libre, dans un modèle de bénévolat, souvent en opposition à un modèle commercial, est dans la réalité lorsqu'il constate :
Comprenez cette question : je n'attaque aucun des points ci-dessus, je pose la question de savoir si le paradigme qui est présenté aux contributeurs correspond à cette réalité.
Lorsque je vois que Mozilla et ebay s'allient pour développer une extension d'un service payant, je pense que c'est une bonne chose pour les utilisateurs de ce service, mais je m'interroge en quoi cela contribue à un monde plus libre ou plus ouvert. C'
J'imagine que c'est plus probablement une source de financement intéressante pour Mozilla.
Pour aller plus loin, je me pose les questions suivantes :
Bref, les mille et une vertus du logiciel libre ne doivent pas nous bercer dans l'illusion d'un monde manichéen. A ce titre, le blog de Tristan Nitot n'est plus, depuis longtemps, la vision la plus objective qui soit. Ce n'est ni une critique ni une attaque : je considèrerait tout autant que le site personnel du directeur Europe de Microsoft n'est pas un site objectif.
Les plaisirs priceless d'un salarié de Mozilla seraient différents s'il ne touchait pas de salaire pour son travail et qu'il ne subvenait pas aux besoins de sa famille. Heureusement, toute peine mérite salaire, non ?
Merci de vos réponses pas trop enflammées.
13 De Jean Lançon - 17/05/2007, 10:06
Je partage totalement l'avis de Ronan, et les questions qu'il pose sont globalement celles que je me pose aussi.
J'y ajouterai que dans de très nombreuses activités, il est de règle de ne pas permettre à des associations de pratiquer à l'égard des entreprises commerciales des actes de concurrence déloyale. Dans le monde du logiciel, c'est le statu quo. Personne ne demande évidemment l'interdiction des logiciels libres, mais force est de constater que lorsque les développeurs sont incités à contribuer bénévolement, l'on sort totalement de la logique économique et l'on crée un phénomène de distorsion dont probablement personne ne sortira gagnant.
Je suis enfin d'accord qu'il est plus facile d'affirmer que toute personne ne mérite pas salaire quand on est salarié cadre d'une fondation, que lorsque l'on est demandeur d'emploi, ce qui est d'ailleurs le cas de beaucoup de contributeurs (et dont certains espèrent/espéraient être reconnus via leurs travaux aux fins de se redonner une certaine confiance dans l'avenir).
Ce n'est pas ici non plus une attaque ni une critique, juste un constat.
14 De Nico - 17/05/2007, 11:12
Je pense que toute peine mérite salaire, mais avec le mot "salaire" pris au sens large. Comme tu l'as dit "ils s'y retrouvent quand ils contribuent".
Finalement, je parlerai plutôt de "retour d'ascenseur", de "suivi qualité", de "considération", ou d'un simple "merci", bref, mettez-y l'expression qui convient mieux au cas, mais à mon sens, toute aide mérite récompense.
La seule nuance, c'est qu'avec le logiciel libre, la récompense n'est pas pécunière, ou moins "directe". Quand j'installe un Firefox chez quelqu'un, je ne le fais pas parce que j'ai des actions chez Moz' Europe, je le fais parce que je pense déjà que c'est un bon choix pour la personne, et je le fais aussi parce qu'élever le "niveau" des navigateurs fait du bien au système entier (un utilisateur content, des problèmes de sécurité en moins, qui va informer d'autres utilisateurs, etc...).
15 De Tigroin - 17/05/2007, 11:26
Bonjour,
Vos remarques sur les contributions bénévoles me font penser aux "innovations horizontales" de Von hippel. il les définit comme tel:
« Horizontal innovation communities consisting entirely of users can develop, diffuse, maintain, and consume software and other information products by and for themselves." Von Hippel (Eric), Democratizing Innovation, Cambridge, The MIT Press, 2005, p. 126.
Il les opposent aux innovations verticales qui sont développées dans des centres de recherches pour "descendre" vers l'usager final.
Dominique Cardon reprend cette idée en allant plus loin en parlant d'innovations ascendantes. Les concepteurs (des usagers) ne développent pas pour les autres mais pour eux-même, et ce n'est qu'ensuite que l'innovation "remonte" vers les centres de recherche. Les innovations dans les TIC répondent souvent à cette logique: que l'on prenne le réseau des réseaux, wikipédia, le p2p, l'IMDB... Le moteur de l'innovation n'est pas de grands centres de recherche, mais bien ces quelques usagers un peu têtu et chevronnés qui ont voulu résoudre un problème les concernant. Un salaire en nature en effet.
16 De thibault - 17/05/2007, 11:40
@ Ronan :
Les questions que tu pose sont légitimes. Pourtant, ils me semblent qu'elles ne s'appliquent pas vraiment dans le cas qui nous intéresse.
Effectivement, je me poserai des questions si on me demandait de contribuer gratuitement aux bénéfices d'une entreprise commerciale, sachant que mon temps donné bénévolement irait sans doute engraisser je ne sais quels actionnaires déjà plus riches que moi.
Dans le cas du libre, la donne est différente. Que m'importe, si Mozilla s'enrichit ? Je sais que cet argent sera employé pour une bonne cause, et que j'en bénéficierai à moyen et long terme, plus ou moins directement.
Lorsque Mozilla développe des partenariats avec des sociétés commerciales, cela contribue toujours indirectement à l'avancée du logiciel libre, puisque comme tu l'as toi même fait remarquer, il s'agit de sources de financements qui seront employées pour une bonne cause.
Jean Lançon affirme que le libre sort totalement de la logique économique. Je pense plutôt qu'il en est une évolution positive. Le modèle du libre à su s'intégrer dans notre culture capitaliste (preuve en est les propos de Ronan) sans pour autant renoncer à ses idéaux altruistes, et c'est quelque choses que je trouve formidable.
Personne n'en sortira gagnant ? Et bien pour les autres, je ne sais pas, mais moi, je sais que j'y gagne beaucoup. J'y gagne en tant qu'utilisateur, puisque je peux faire tourner mon pc sous un OS libre de qualité qui ne m'a rien couté, beaucoup plus performant que d'autres systèmes pourtant plus onéreux. J'y gagne encore lorsque je peux surfer sur le web en utilisant un navigateur rapide, léger et pratique. J'y gagne toujours lorsque ce même navigateur me permet à mon tour de développer des sites web sans dépendre des pseudo-standards imposés par de gigantesques puissances commerciales.
Le libre concurrence les sociétés commerciales ? Peut-être est-à elles de s'adapter ? Pour ma part, je travaille dans une entreprise qui utilise exclusivement le logiciel libre. Sans libre, la société qui m'emploie n'aura plus qu'à mettre la clé sous la porte, et je me retrouverai au chomage.
Et cette valeur ajoutée, d'où vient elle ? Et bien, à la base, elle provient du petit contributeur, qui développe son logiciel de chez lui, motivé non par l'appat du gain, mais par le plaisir de la tâche en elle-même. Ensuite, qu'importe si certains parviennent à vivre de leur passion ? Tant mieux pour eux. Au final, je pense que tout le monde y trouve son compte.
17 De xeter - 17/05/2007, 12:18
Il est vrai que le logiciel libre peut avoir une place dans l'économie du logiciel et plus particulièrement dans les développement spécifique.
Le plus simple est de prendre un exemple: Une entreprise demande à une Société de développement de lui concevoir une logiciel pour une tâche particulière. Ici, le logiciel libre a un interêt, en effet les développeurs peuvent se baser sur un logiciel précédement conçu en libre, et développer la demande de l'entreprise pour qu'elle serve par la suite.
Deplus le logiciel étant libre, l'entreprise cliente peut par la suite demander à une autre entreprise d'y ajouter d'autre nouveautés à ce logiciel.
Dans ce cas, le logiciel libre amène une plus grande liberté pour l'entreprise cliente, un moindre cout: comme les développeurs sont partis d'un logiciel déjà en parti conçu, une plus grande interoperabilité du logiciel.
Avec ces avantages, on pourrait même penser qu'un logiciel libre a plus de valeur qu'un équivalent fermé étant donné les avantages qu'il apporte.
Sans oublier la contribution au développement international du logiciel auquel aura participer l'entreprise cliente.
Il ne sert à rien de faire 2 fois la même chose, on ne réinvente pas la roue !
18 De Tristan - 17/05/2007, 12:25
Ronan écrit "Lorsque je vois que Mozilla et ebay s'allient pour développer une extension d'un service payant, je pense que c'est une bonne chose pour les utilisateurs de ce service, mais je m'interroge en quoi cela contribue à un monde plus libre ou plus ouvert. J'imagine que c'est plus probablement une source de financement intéressante pour Mozilla."
Il est faux de croire que eBay rémunère Mozilla.
Oui, l'eBay Companion est bon pour les utilisateurs d'eBay.
Mais il est aussi bon pour Mozilla : eBay encourage ses utilisateurs à passer à Firefox, et c'est donc bon pour Firefox et pour le Web ouvert en général. Voir http://standblog.org/blog/post/2006... pour plus d'explications.
Jer répondrai dans d'autres commentaires aux remarques qui me semblent à coté de la plaque.
19 De Tristan - 17/05/2007, 13:49
Ronan a écrit :
> Bref, les mille et une vertus du logiciel libre ne doivent pas nous bercer dans l'illusion d'un monde manichéen.
Mon propos est justement à l'opposé d'une vision manichéenne : je parle d'un continuum, entre rémunération et bénévolat. Ce que je veux dire, c'est que ça n'est pas parce qu'un projet Libre ne rémunère pas directement ses contributeurs que ces derniers ne sont ni payés (par un employeur qui y trouve son intérêt) ou ne retrouvent pas une forme non financière de gratification.
> A ce titre, le blog de Tristan Nitot n'est plus, depuis longtemps, la vision la plus objective qui soit.
Il n'a jamais été objectif, et n'a jamais prétendu l'être. C'est mon blog, pas une encyclopédie !
> Les plaisirs priceless d'un salarié de Mozilla seraient différents s'il ne touchait pas de salaire pour son travail et qu'il ne subvenait pas aux besoins de sa famille.
Ronan, votre discours est parfaitement déplacé et malhonnête. J'ai été bénévole pendant 21 mois pour Mozilla. J'ai été licencé mi-juillet 2003 et j'ai commencé à toucher un salaire mi-avril 2005. En terme de manque à gagner pour moi, ça représente plus d'un an de salaire. Donc bosser pour autre chose que l'argent, je sais ce que c'est, d'autant plus que pendant longtemps, je n'imaginais pas être payé pour cet effort.
20 De Tristan - 17/05/2007, 14:00
Thibault a écrit :
> Effectivement, je me poserai des questions si on me demandait de contribuer gratuitement aux bénéfices d'une entreprise commerciale, sachant que mon temps donné bénévolement irait sans doute engraisser je ne sais quels actionnaires déjà plus riches que moi.
Tu as raison, Thibault ! Quand Netscape a lancé Mozilla en 1998, juste avant d'être racheté par AOL la même année, une des grandes raisons pour lesquelles le projet n'a pas reçu d'aide de façon significative de l'extérieur, c'est que personne n'était surmotivé pour aider bénévolement AOL (affectueusement surnommé "le TF1 de l'Internet").
Certains, à l'extérieur, dont Stefano Mazzochi (Apache), ont pensé que le moment où AOL/Netscape a lâché Mozilla, c'était une excellente nouvelle, et que ça donnait un nouvel élan au projet Mozilla. L'histoire a prouvé qu'il avait raison. (Cf http://standblog.org/blog/post/2005... ).
Il y a 2 raisons pour lesquelles Mozilla Europe est une assocation loi 1901 :
21 De Tristan - 17/05/2007, 14:02
Tigroin : merci beaucoup pour cette info sur les innovations ascendantes. A ce propos, voilà qui devrait vous faire sourire de satisfaction : http://slashdot.org/article.pl?sid=... .
22 De Tristan - 17/05/2007, 14:06
Alain Ré écrit :
> "Je suis désolé, si je dois faire faire quelque chose qui me fait chi***er (la peine) : soit on me donne quelque chose (le salaire) ou soit je ne le fait pas."
Voilà, nous sommes bien d'accord. Si ça vous fait ch**er, alors vous ne le faites pas bénévolement. Mais si c'est quelque chose de dur à faire et que vous en tirez du plaisir, de la considération ou un logiciel qui fonctionne mieux, alors ça valait le coup de le faire. C'est exactement mon propos !
23 De xeter - 17/05/2007, 14:33
Je suis heureux Tristant de voir que tu ne juges pas mes propos "a coté de la plaque", On semble du moins avoir là le même avis sur le logiciel libre.
24 De Tristan - 17/05/2007, 16:27
Jean Lançon : votre commentaire a été judicieusement bloqué par mon filtre anti-spam. Il faut croire qu'il bloque aussi les trolls
Juste une précision : si Microsoft avait respecté la loi antitrust (et donc n'avait pas abusé de sa position dominante pour tuer Netscape), alors il y aurait le choix en terme de navigateurs propriétaires ou Libres, proposés par des entreprises. La loi du marché fonctionnerait correctement et je n'aurais pas eu à monter Mozilla Europe (et accessoirement, je n'aurais pas perdu 1 an de salaire). Si le marché fonctionne, je ne vois pas l'intérêt de le remplacer.
25 De Ronan - 17/05/2007, 17:32
Tristan,
Merci pour vos commentaires; ne vous enflammez pas car mon propos était -justement- de dire que vous méritiez un salaire, pas l'inverse.
J'ai également travaillé sans salaire pendant plus d'un an, pour lancer une entreprise (commerciale). C'est un effort important, je ne trouve pas que ce soit une normalité, et je ne le souhaite pas à d'autres. Mais c'est une position que j'assume car je l'ai fait en connaissance de cause.
D'où ma question sur l'écart entre la vision du contributeur et la réalité de Mozilla, sur lequel vous n'avez pas répondu.
26 De Silvyn! - 17/05/2007, 18:42
Premièrement je suis content qu'il y ai des commentaires à ce billet.
Dans un autre registre, j'ai tenté dans la dernière émission de VELCS (Vous êtes Libre ce soir ?) de faire le rapprochement entre les logiciels libres, et les RERS (Réseaux d'Echanges Réciproques de Savoirs). Etant impliqué dans les deux mouvements, j'y voyais beaucoup de points communs, et je ne suis pas le seul je pense. N'étant pas très bon rédacteur ni orateur d'ailleurs, je ne vais pas pouvoir argumenter ici, mais l'idée de l'économie solidaire existe aussi.
Pour en revenir aux RERS, La notion de gratuité est inscrite dans la charte des réseaux ; l'argent ne doit pas être un obstacle à l'échanges des savoirs, le but du jeu étant de trouver des solutions pour que l'échange ai lieu (par exemple la récupération de carton pour l'apprentissage de la réalisation de meuble en carton). Tout comme libre ne signifie pas uniquement la gratuité.
Pour conclure, je ne suis ni développeur ni informaticien, juste un utilisateur. Je préfère promouvoir les logiciels libres, plutôt que de voir les gens pirater les logiciels propriétaire (un article récent de Zdnet nous montre encore que la France est en tête en Europe avec 46% de taux de piratage). Je le fait d'autant plus facilement pour toutes les qualités que l'on connais des logiciels libres. De même que je crois aux biens communs, et aux savoirs qui peuvent s'échanger.
J'y passe effectivement tout mon temps libre, mais j'y trouve bien mon compte.
27 De Alain Ré - 17/05/2007, 22:04
À propos du sens que l'on donne au mot « salaire » pour les logiciels libres, il y a aussi la motivation de : faire quelque chose EN PRÉVISION DE quelque chose qui va arriver, ou qui arrive régulièrement, et qui est pénible à traiter une fois que c'est arrivé (en bout de chaîne, quoi). Et on peut avoir la motivation de faire quelque chose (logiciel libre, par ex.) de chi***ant pour que ce soit traité au début (de la chaîne) quand c'est le plus facile à traiter. Comme par exemple, un programme qui vérifierait, corrigerait, etc. des données avant qu'elles soient traitées ou envoyées…
28 De Roudou - 17/05/2007, 22:38
Il y a, dans l'article de Wikipedia consacré à l'altruisme, un paragraphe qui, par rapport au sujet débattu, me semble digne d'intérêt. Je le reproduis ci dessous:
" En biologie et sociobiologie
Bien que ce type de comportement semble a priori être contradictoire par rapport à des principes énoncés au sujet de la sélection naturelle, un examen plus fin par la sociobiologie des mécanismes à l'œuvre, des niveaux de sélection génétique, et d'expression des individus, montre qu'un comportement qui tient compte d'autrui peut être "sélectionné".
D'autre part,
Ainsi, si on oppose généralement l'altruisme à l'égoïsme, il apparaît que souvent la distinction entre les deux est assez difficile à percevoir... "
http://fr.wikipedia.org/wiki/Altrui...
29 De Marc Israel - 18/05/2007, 07:18
A qu'elle est belle la réthorique des "libristes"! Pendant ce temps, nos amis d'IBM économisent quelques milliards de dollars en utilisant du code Open Source créé par des libristes pour la gloire, Microsoft rachètent des sociétés du libre pour gagner d'autres milliards, Sun Microsystems "offre" au monde Open Office, et j'en passe et des meilleurs. Depuis que le monde est monde, il y a toujours eu des gens pour s'éclater gratuitement pour la beauté du geste ou pour le plaisir de partager, cela s'appelle la passion. En parallèle, dans une économie, il y a des gens à nourrir, des malades à soigner, des trains à faire rouler et, malheureusement, des laissés pour compte à protéger.
Tout ça pour dire qu'aucune peine ne mérite salaire, puisque les "libristes" ne peinent pas, ils s'amusent ! Ils doivent alors vivre de l'héritage de leurs parents ou grands-parents. A moins qu'ils ne volent leurs employeurs sensés les payer pour délivrer un travail, alors qu'ils s'éclatent à développer du code libre, ou qu'effectivement, ils développent sur leur temps libre, ou bien que des mécènes les payent pour la beauté de l'art... Mais un travail mérite salaire et un investissement mérite profit. Alors arrêtons de la ramener avec la beauté du geste et le mérite de l'égoïsme...
Et puis, pour faire un barbecue, profiter de sa moto par une belle journée, faire des photos numériques de ses enfants, il faut une économie, une société, des flux financiers et donc des entreprises qui vendent des produits et des services.
Je suis un vieux dinosaure de l'économie 1.0 ayant écrit 18 livres (sur des logiciels Microsoft, pouah!) et travaillant aujourd'hui pour Microsoft (repouah). Les belles idées des libristes sont respectables, tout n'est pas brevetable (heureusement, mais c'est un autre sujet) et je ne suis pas toujours d'accord avec les positions des grandes sociétés de ce monde. Mais derrière les réussites du libre, il y a des hommes et des femmes qui vendent des services (et tirent profit du "travail" de milliers ou de centaines de "passionnés") ou des sociétés qui achètent de la publicité (pour vendre plus de leurs produits ou service).
Pour terminer, ce qui m'exaspère dans le genre des propos de ce billet, c'est l'aveuglement de la beauté de la contribution. Le succès ne vaut que s'il est partagé par tous ! Or, il existe des milliers, voire des millions d'anonymes "libristes", qui ne tirent rien de leur création, mais contribuent à enrichir une poignée d'individus qui ont plus de sens commercial. Ce n'est pas sans me rappeler une forme de communisme, où la masse vie dans l'indigence, pendant que les instances dirigeantes vivent dans l'opulence, et explique à la masse qu'elle contribue à créer un idéal meilleur... Mais je dois m'égarer.
30 De Tristan - 18/05/2007, 09:29
Roudou, merci pour votre commentaire, c'est très proche de ce que je pense. Je grossis le trait à titre pédagogique : quand je donne, c'est pour assouvir mes pulsions altruistes.
Il y a autre chose, un autre paramètre qui est essentiel : c'est qu'on est ici dans un domaine virtuel. En substance, quand j'améliore un logiciel Libre pour mon usage personnel, tout le monde peut profiter de cette amélioration. C'est un cercle vertueux, à partir du moment où la communauté du logiciel en question a atteint une masse critique... C'est le principal attrait de la licence GPL, qui pousse au partage ceux qui n'auraient pas une démarche altruiste : "si tu veux piocher au pot, il faut remettre au pot tes éventuelles améliorations".
Je réponds ici à Inkboy, qui voit des tas de gens qui lui demandent de bosser gratuitement pour faire des sites, des logos, etc. Inkboy, le problème que tu mentionnes est très différent : tu fais un boulot qui certes peut te donner de la visibilité, mais son défaut c'est qu'il ne fait pas partie des "biens communs" comme c'est le cas pour les logiciels Libres. C'est une transaction entre particuliers, où tu donnes ton temps et où quelqu'un le prend. C'est un jeu à somme nulle : celui qui gagne empoche autant que ce qu'à perdu le perdant.
Dans le cas du logiciel Libre, tu donnes ton temps pour le récupérer sous forme d'un logiciel amélioré. Et tout le monde profite de tes améliorations. C'est un jeu à somme non-nulle. Tu gagnes autant que ce que tu as investi, mais tout les autres utilisateurs gagnent aussi. C'est, pour moi, l'une des choses les plus fascinantes du monde de l'informatique et du logiciel Libre (et de ses semblables, comme Wikipedia).
31 De Julien - 18/05/2007, 11:01
Je suis d'accord avec toi, mais je prefere etre à la place de Marc Fleury que de celle du developpeur / contributeur anonyme et non rémunéré de Jboss. Cela dit, quand j'etais plus jeune, ça ne me choquait pas d'envoyer des petits cheques aux developpeurs de sharewares que j'utilisais.
De plus, tu es tres mal placé pour tenir ce discours, etant toi meme un des rares types en France à vivre correctement, je crois, de l'Open Source (chez un ISV, sans etre consultant/formateur).
La question qui se pose c'est comment se fait le tri entre ceux qui sont payés (par MySQL, Mozilla, Jboss, Ubuntu,. et les autres ? Comment vont reagir les developpeurs anonymes et non salariés de MySQL quand celle ci sera cotée en bourse ?
Ce discours un peu naif peut tenir, tant que personne ne s'enrichit dans la communauté. Des qu'une minorité s'enrichit sur le dos d'une communauté bienveillante et altruiste comme tu le dis, ça ne tient plus (et c'est tres exactement pour cela que la MoFo repete 10 fois par jour que c'est une association, et non pas une corporation) , car la nature de l'homme, et du developpeur en particulier, n'est pas de se faire entuber.
32 De jj - 18/05/2007, 13:19
@ 3
""Travailler est issu du latin populaire tripaliare, tourmenter, torturer avec le trepalium, nom d'un instrument de torture. Il y a un mélange de sens entre trepalium, tripalium, tri-palus - trois pieux - machine faite de trois pieux servant à assujettir pour les ferrer les bœufs et les chevaux difficiles. On trouve aussi le roman trabicula qui désigne le chevalet de la question et trabiculare signifie torturer et travailler.""
Je veux bien travailler bénévolement... lorsque j'ai assez pour subsister.
33 De ~Pyb - 18/05/2007, 13:53
@Tristan : voici un article qui précise ce que tu dis http://econo.free.fr/scripts/faq2.p... et http://en.wikipedia.org/wiki/Public... (qui mériterait quelques changements mais c'est un bon début)
34 De Silvyn! - 18/05/2007, 17:38
C'est exactement ce que pense l'académicien Michel Serre
(pour ceux qui n'aurai pas lu l'article, c'est à écouter sur le framablog : http://framablog.org/index.php/post...)
35 De Farfouille - 18/05/2007, 20:20
Oui toute _peine_ merite compensation (salaire), mais tout travail, non, car il peut etre plaisant.
Dommage pour le titre donc. Sinon, le billet est tres pertinent.
36 De Ma petite parcelle d'Internet... - 19/05/2007, 14:37
Le FUD à la radio
En effet, les logiciels libres comme toutes les créations intellectuelles, parmi lesquelles les logiciels, sont évidemment soumis au code de la propriété intellectuel. Ils ne sont pas un cas à part, une espèce particulière évoluant dans un...