Quand j'ai commencé à parler des standards en 2001, c'était vraiment comme prêcher dans le désert. Netscape était mort, la version 6.0 n'ayant pas convaincu les utilisateurs (ce qui n'était une surprise pour personne : le logiciel était très loin d'être terminé), Internet Explorer était déjà très largement dominant et la version 6.0 n'allait pas tarder à sortir (juste avant que l'équipe de développement soit dispersée silencieusement). Bref, on écrivait les sites Web pour Internet Explorer et si on avait du budget, on regardait ce qu'il fallait faire pour qu'ils fonctionne à peu près dans l'antique Netscape 4.x. Les standards, les CSS, la séparation entre structure et présentation, tout ça ne semblait pas présenter d'intérêt pour la majorité des gens, même professionnels.

Pour qui voulait aller plus loin, voir plus loin, il y avait une lueur d'espoir : certains sites américains proposaient des articles sur les nouvelles méthodes de développement Web. Il fallait les trouver, et il fallait les comprendre. En français, on ne trouvait que Allhtml.com, site qui incarnait les anciennes méthodes de développement à base de soupe de balise optimisée pour limitée à Internet Explorer. Seuls quelques irréductibles développeurs se retrouvaient sur le newsgroup dont rien que le nom suffisait à repousser le chaland : fr.comp.infosystemes.www.auteurs. A force de se lasser de répondre toujours la même chose aux développeurs Web qui demandaient de l'aide, une évidence s'est imposée : il fallait faire un site Web de référence qui centraliserait les articles en français sur le sujet. L'idée d'Openweb était née. Parallèlement, un effort de traduction des articles américains reprenait vie : Pompage.net.

Depuis, les années ont passé : et cela va faire 5 ans que Microsoft n'a pas mis à jour son navigateur. Firefox est passé par là, grignotant près de 20% de parts de marché en Europe, et Safari, lui aussi conforme aux standards, prend quelques pourcents supplémentaires. Les blogs sur les standards se sont multipliés, le Standblog parmi d'autres. Des initiatives comme Alsacréations.com ont aussi vu le jour, et les maisons d'édition ont publié des livres sur les standards. Bref, en 5 ans, le monde a changé et s'est ouvert aux standards du Web.

Tout le monde ? Non. Certains traînent encore des pieds, car il existe aussi en informatique des gens attachés au bon vieux temps.

Pourtant, une page vient de se tourner, puisque Allhtml.com, qui a incarné pendant des années l'arrière garde de la conception Web, vient de passer aux standards, trois ans tout juste après un billet paru sur le Standblog à ce sujet. Le Webmestre vient de m'écrire pour me le signaler la conformité XHTML 1.0 et CSS. C'est une excellente chose !

Bien sûr, il reste encore de nombreux prétendus professionnels qui pensent tout savoir, et qui vendent à des clients crédules des sites tout en Flash totalement impossible à maintenir. Ces sites sont assez peu visités par les internautes avancés, dans la mesure où ils sont très mal indexés par les moteurs de recherche, Flash oblige. Pour leurs auteurs, pérennité du contenu, accessibilité, simplicité de maintenance ne comptent pas. Dans un sens, c'est normal : à faire un site en Flash qui nécessite un gourou pour chaque mise à jour, c'est malhonnêtetrès lucratif.

Forcément, quand on tente gentiment d'expliquer cela et les autres pratiques à un Flasheur médiocre ravi de tondre ses rares clients, le message à du mal à passer. Elie Sloïm, à la tête de l'excellent Opquast[1], nous montre un exemple de premier choix. Pour info, je suis allé voir les sites de cette personne, et j'ai été fasciné par tant de médiocrité : pop-ups, 100% Flash, 0% accessible, texte baclé, musique intrusive sur des boucles de 3 secondes, navigation incohérente et minimum 180k par page. Je tairais le nom du coupable par pur charité. J'espère juste qu'un jour, il verra la lumière, comprendra l'intérêt de faire du contenu accessible, léger et facile à maintenir. Ca a bien pris 3 ans à Allhtml.com, ça peut très bien lui en prendre autant ;-). Entre temps, il va falloir composer avec des sites médiocres qui ne nous gèneront finalement pas, car il y a peu de chances qu'on les visite !

Notes

[1] Ensemble de bonnes pratiques pour le qualité des services en ligne. En substance, c'est un outil qui recense ce qu'il faut faire quand on conçoit un site Web. Un outil complémentaire, Mon Opquast, permet d'évaluer la qualité des sites Web existants, et de suivre la progression de cette qualité dans le temps. Mon Opquast est gratuit en version mono-utilisateur, et ne coûte que quelques dizaines d'euros par ans pour plusieurs utilisateurs. Inscrivez-vous ! (Non, je ne suis pas actionnaire d'Opquast, je considère juste que c'est une excellente idée très bien mise en pratique, et dont le Web a besoin).